99 NON ! Un OUI… Le oui l'emporte…
Par St Siméon le jeudi, février 19 2015, 17:35 - Éditos - Lien permanent
C’est tout frais, ça vient de sortir pour
illustrer la dernière conférence de
presse de notre cher Président : il paraît
qu’on va nous refiler une couche
de démocratie participative, dans la
foulée de l’élan national de l’après
« 11 Janvier ». Ça tombe bien, car on
vient juste de mesurer, à travers nos
aventures, combien l’opinion du citoyen
et de l’acteur de terrain compte
aujourd’hui pour du beurre quand il est
question de gros sous. Nous venons
d’en faire les frais avec le multiplexe
UGC des Bassins à flots qui vient de
se voir plébiscité, seul contre tous, par
la Commission Nationale d’Aménagement
Cinématographique.
Éternels optimistes que nous sommes,
il nous était pourtant apparu, à la publication
d’un certain rapport Lagauche,
il y a un an, que nous pouvions enfin
rêver d’une forme de régulation dans
le domaine de l’exploitation cinématographique.
Il s’agissait en effet pour
ce gentil sénateur, missionné par notre
autorité de tutelle, de prendre acte du
développement exponentiel des multiplexes
et d’en fixer enfin les limites
pour éviter tout sur-équipement préjudiciable
à l’équilibre économique du
marché : rien de plus raisonnable on
le voit dans le cadre d’un semblant
d’aménagement harmonieux du territoire.
Plus accessoirement, puisqu’il ne
s’agissait que de politique culturelle,
était évoqué dans le rapport en question
le sort de la poignée de salles indépendantes
classées Recherche qui,
les pauvrettes, n’encombrent pas vraiment
les rues de nos cités. On les devinait,
entre les lignes, promises à être
confinées dans des réserves protectrices,
un peu à la manière des derniers
Indiens d’Amérique du Nord à la
fin du xixe siècle. Une protection permettant
de ne pas attenter trop clairement
à la sacro sainte culture de
l’exception culturelle, qui vaut d’ailleurs
à nos multiplexes de s’acquitter
d’une TVA minorée sur le prix des
places et d’une TVA à taux sympa sur
la confiserie. Tout cela ne cassait pas
trois pattes à un canard et ne faisait
pas de ce rapport un brûlot léniniste,
mais cela nous laissait espérer que
pour deux raisons au moins, le rapport
en question nous permettrait d’échapper
à ce nouveau et mortifère projet de
multiplexe aux Bassins à flots. Il était
en effet facile de constater, rapport
Lagauche en main, qu’avec 52 salles
en centre ville, Bordeaux était déjà
la métropole la plus sur-équipée de
France (par comparaison : 34 salles
à Toulouse), comme il était évident
qu’avec 18 salles UGC au pied de
notre réserve d’indépendants du cinéma,
il était inutile pour notre santé
d’en rajouter 13 autres…
Un petit signal surprenant ne manqua pas cependant de nous mettre la puce à l’oreille. Sur la convocation nous invitant à présenter notre point de vue était précisé que notre audition ne pourrait pas dépasser dix minutes. Dix minutes pour rendre compte de 16 années d’existence, et des conditions dans lesquelles s’exerçaient nos activités depuis le siècle dernier, cela ressemblait à une audition de pure forme. Etait-elle la conséquence d’une lecture passionnée du Rapport Lagauche ? Nos futurs auditeurs s’étaient-ils déjà fait une religion de la situation ? La réponse à ces questions nous fut donnée dès notre entrée dans la salle de délibération. Une grosse demi-douzaine d’hommes blancs, grisonnants, la soixantaine passée, en costume et cravate, nous faisait face. Pas une seule femme, dont on sait qu’elles sont largement majoritaires à fréquenter les salles art et essai… Nous donnons lecture d’une petit texte très simple de présentation de nos salles et des conséquences calamiteuses qu’aurait pour nous l’ouverture d’un deuxième multiplexe UGC à Bordeaux. Nous récoltons une attention polie, peu de curiosité, et deux questions de pure forme. Pas vraiment curieux nos aménageurs, surtout quand on pense aux dizaines de questions pertinentes que nous échangeons chaque jour depuis 16 ans, avec vous, spectateurs du ciné…
Des questions pour le coup, nous en aurions eu, nous, tant cet aéropage distingué nous intriguait. Mais hélas, ce n’était pas à nous d’en poser. D’où sortaient-ils, tous ces messieurs au crépuscule de leur vie, quel avait été leur parcours professionnel pour qu’ils se voient confier le soin d’aménager un territoire que nous trouvons souvent, en ce qui nous concerne, consciencieusement ravagé ? Que savaient-ils, les bougres, de nos efforts ainsi liquidés en moins de 10 minutes ? Quelle idée pouvaient-ils se faire de la démocratie participative et de l’élan national de l’après 11 Janvier si vanté par François Hollande ?… Mystère ! Toujours est-il que dans leur grande sagesse et après un débat paraîtil animé – on en doute tant ils semblaient davantage prêts à entamer une sieste qu’une discussion un tant soit peu argumentée – les gérontocrates de la CNAC ont donné leur bénédiction aux 13 salles UGC aux Bassins à flot. Ce qui portera donc à 31 le nombre d’écrans exploités à Bordeaux centre par le plus puissant et le plus agressif circuit d’exploitation français. Une fois de plus, la défaite de Lagauche a dépassé toutes nos espérances… 99 NON ! Un OUI… Le oui l’emporte…
Commentaires
Bonjour, ne perdez pas espoir, peut être que la Cour d'appel administrative vous donnera gain de cause...
Cordialement.
rappel compétence de premier ressort aux Cours Administratives d'Appel en matière de décisions prises par la Commission Nationale d'Aménagement Commercial (CNAC).
« Art. R. 311-3. - Les Cours Administratives d'Appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises par la Commission Nationale d'Aménagement Commercial en application de l'article L. 752-17 du code de commerce.
« La Cour Administrative d'Appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège la Commission Départementale d'Aménagement Commercial qui a pris la décision. »
Cette modification réglementaire implique le rallongement des délais de procédure contentieuse d’une décision de la CNAC en réintégrant le stade des recours devant les Tribunaux Administratifs.