Quel monde voulons-nous pour demain ?… Et quel débat pour aujourd’hui ?

Les États généraux de la bioéthique se sont ouverts le jeudi 18 janvier sous le thème : « Quel monde voulons-nous pour demain ? ». Au menu : des débats dans toute la France, ouverts aux citoyens, via les espaces éthiques régionaux déclinaisons locales du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui a en charge l’organisation, sur les implications des progrès scientifiques sur le vivant, de sa conception jusqu’à sa fin. Voilà pour l’officiel. Cependant, au fond, il s’agit de collecter nos avis, ausculter nos consciences pour en retour, finalement, chercher à les rassurer. Nous voilà donc conviés à valider l’avancée des technologies « convergentes » ou « exponentielles », selon la novlangue de la Silicon Valley, pendant que sondages et médias préparent l’opinion à l’adoption des mesures qui avaient été mises de côté il y a sept ans : PMA et GPA, suicide assisté…

 

 

On remarquera que la plupart des thèmes abordés ont trait au transhumanisme, cet ultime avatar du capitalisme et sa sortie de secours avant l’effondrement total. Car derrière le marché juteux de la reproduction artificielle de l’humain (procréation médicalement assistée, diagnostic préimplantatoire, contrats de location d’utérus, recherche embryonnaire, génétique et génomique), il sera également question d’intelligence artificielle, de robotique, de big data et du contrôle des comportements par les neurosciences… Comme l’écrivait récemment le mathématicien Cédric Villani, chargé par le gouvernement d’une mission sur l’intelligence artificielle : « Il faut tout d’abord une initiation aux bases et à l’esprit de l’algorithmique et de la robotique dès le plus jeune âge […]. Si on ne rassure pas la population, on ne pourra pas avancer. Cela passe par la mise en place de comités d’éthique, qui pourront édicter des règles de bonne conduite, ou conseiller gouvernement et entreprises… » 

 

Le généticien Jean-François Mattei, ancien rapporteur des lois de bioéthique, nous a avertis : « Dans le domaine bioéthique, chaque pas que nous faisons ne nous paraît pas absolument déterminant et repoussant, mais vient un jour où l’on se retourne et où l’on est arrivé plus loin que ce que nous aurions voulu. » Sous couvert d’avancées thérapeutiques, il s’agit d’imposer par le fait accompli un nouvel eugénisme, la numérisation de nos existences et l’« augmentation » d’un humain préalablement diminué par ces mêmes technologies.

 

La technocratie, cette classe toute-puissante qui concentre désormais le pouvoir, le savoir et l’avoir, a intégré la leçon des sociologues de l’acceptabilité : « Faire participer, c’est faire accepter. » C’est ainsi que, après avoir dévasté notre milieu naturel et empoisonné nos organes – pensons seulement aux pesticides et autres perturbateurs endocriniens, largement responsables de l’infertilité qui justifie la PMA –, les technocrates requièrent notre assentiment pour parachever « démocratiquement » la transformation de nos corps et de nos modes de vie. Coup double ! Ceux qui commercialisaient les poisons facturent désormais les remèdes.

 

Nous, simples humains qui souhaitons le rester, dénonçons la mascarade de ce débat qui consacre notre transformation. On ne nous trouvera ni dans les défilés des technoprogressistes ni dans ceux des cathoréactionnaires. Nous refusons la marchandisation des corps. Nous voulons naître, vivre et mourir décemment, sans être incarcérés dans ces dispositifs d’assistance machinale. Nous refusons l’accroissement indéfini de notre dépendance à des innovations qui nous privent de notre plus élémentaire liberté. Nous voulons stopper l’artificialisation du monde plutôt qu’adapter notre corps à un milieu déshumanisé. Et débattre sans intermédiaires, ni politiciens, ni journalistes, ni experts.

 

Les Chimpanzés gascons
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