Bien sûr, on se l’était parfois glissé à l’oreille, mais à voix très
basse pour éviter de se porter la poisse : ces présidentielles
allaient-elles permettre à la gauche de se montrer, cette fois-ci, à la
hauteur des circonstances ? La question, vu le merdier économique
ambiant, avait en effet de quoi faire trembler dans les chaumières
anti-capitalistes mais, faut-il l’avouer, le rejet de Sarkozy, de ses
pompes et de ses œuvres était si fort que les dites chaumières étaient
prêtes à tout, y compris à croire une nouvelle fois au Père Noël pour se
débarrasser de celui qui ne nous avait rien épargné, y compris les
mesures les plus vulgaires et les plus infamantes. Facile de faire mieux
dans tous les domaines, se rassurait-on en fantasmant sur l’arrivée au
pouvoir d’un Gorbatchev mâtiné d’un Roosevelt, lançant à la surprise
générale un new deal ou une glasnost énergiques pour mettre en ordre de
marche un peuple écrasé de médiocrité et privé depuis longtemps de toute
espérance
Que pouvait-on craindre en effet d’un grand vent de raison et d’audace, puisque nous courons de toute façon à la catastrophe ? Un grand vent de folie démocratique qui nous aurait portés, seuls contre tous, sur les hauteurs d’un Valmy anti-libéral, comme à l’époque où l’Europe monarchique tout entière coalisée contre la République naissante, s’était fait ratatiner de belle manière parmi les moulins à vent.