Et le racisme rentre dans les consciences…

Une étudiante en thèse licenciée pour faute professionnelle sous prétexte du port d’un voile

Pour signer la pétition: www.soutien-sabrina.org

Contacts: comitesoutiensabrina@gmail.com

Sabrina T. est actuellement doctorante en 3ème année de thèse au laboratoire de Microbiologie et de Génétique Moléculaire (LMGM) du CNRS à l’Université Toulouse III. Depuis son entrée au collège, Sabrina s’est destinée à une carrière scientifique. Issue d’un milieu modeste, elle a bénéficie de bourses, mais a aussi travaillé durant les vacances scolaires. Durant ses années d’études universitaires, elle a assuré des gardes de nuit dans des laboratoires d’analyses médicales pour compléter cette aide. Il y a 4 ans, alors qu’elle était en Master I, elle a choisi de porter un voile. Elle portait le voile lors de son stage de Master II, en 2006, et lors du concours d’attribution des bourses de recherche, concours à l’issue duquel elle a pu commencer sa thèse dans l’équipe dans laquelle elle a effectué son Master II. Sa bourse, un CDD de 3 ans, est gérée par l’université. A aucun moment il n’a été fait allusion au foulard qu’elle portait. Bien intégrée dans l’équipe de recherche, Sabrina menait une vie sociale normale. En mars 2008, alors qu’elle déjeunait avec deux collègues à la cantine du CNRS, elle a été brutalement prise à partie par une personne sur ce campus, qui après lui avoir déclaré qu’elle n’avait pas le droit de porter le voile, lui a demandé qui elle était, de quel laboratoire, et qu’elle avertirait immédiatement l’administration du CNRS. Ce qu’elle fit…

Un changement décisif est intervenu début juillet 2008 lorsque l’« adjoint au fonctionnaire de Sécurité de Défense » du CNRS s’est déplacé à Toulouse. Sa visite ne concernait pas sa fonction officielle (protection des données sensibles au CNRS) et il a déclaré publiquement qu’il est venu « régler » la question de l’interdiction du voile dans les labos du CNRS [A quel titre « un fonctionnaire de défense » se mêle t-il de la tenue vestimentaire d’une étudiante en thèse ? C’est ce que vous ne saurez pas en consultant ses fonctions :
http://www.sg.cnrs.fr/FSD/fsd/missions.htm]].

Sa visite a été aussi l’objet d’une rencontre restreinte avec l’administration du CNRS et de l’université et avec des directeurs d’unités. Sabrina est convoquée dès le 11 juillet à une réunion où elle est mise en tête en tête avec le président de l’université Gilles Fourtanier, son secrétaire général, le directeur du LMGM, l’administratrice déléguée du CNRS, la DRH du CNRS. Son directeur de thèse et son avocate, venus la soutenir, sont exclus sous le prétexte qu’il s’agit d’une « réunion hiérarchique ». C’est un ultimatum : retirer le voile ou s’exposer à des « mesures nécessaires ».

Le 10 décembre 2008, le secrétaire général et la DRH de l’université rendent visite à Sabrina et ne se satisfont pas de ce qu’ils voient : elle leur a pourtant affirmé qu’elle ne portait plus un voile islamique mais un fichu traditionnel (à la mode « sicilienne »). Mais il faut qu’elle soit tête nue, sinon c’est, disent t-ils, un « manque de neutralité ». À 7 mois de sa soutenance de thèse, le 26 février 2009, elle est licenciée pour faute professionnelle sans préavis ni indemnité par le Président Fourtanier, sans qu’aucun conseil de discipline ait été réuni, ni aucune réunion contradictoire.

Elle est accusée d’avoir « causé un trouble à l’ordre public et porté atteinte à la liberté de conscience de ses collègues ». Le prétexte donné au licenciement tient dans un paragraphe où il est question d’un « principe de laïcité affirmé par l’article premier de la constitution ». Le « principe de laïcité » est un objet introuvable. Quand à l’article premier de la constitution, il est écrit : « La France est une république, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

Mais où est le respect des croyances dès lors que l’appartenance à une religion devient le motif de licenciement ? Où est l’égalité devant la loi dès lors qu’un seul genre, une seule religion, un seul signe religieux, est pointé du doigt et devient un motif de discrimination ? Et qui s’appuie, sans le citer, et pour cause, sur l’Article L.141-6 du code de l’éducation. [Article L.141-6 du code de l’éducation : « Le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».].

La décision de licenciement est une violation flagrante des libertés assurées par la Convention Européenne des Droits de l’Homme [Convention Européenne des Droits de l’Homme, Article 9 - Liberté de pensée, de conscience et de religion :
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.]

Les conséquences ? Elles sont dramatiques : Sabrina est toujours étudiante en thèse mais depuis le 26 février 2009, elle est sans ressources. Elle n’a droit à aucune indemnité. Comment va-t-elle pouvoir rédiger sa thèse, son article et soutenir avant le mois de septembre, tout en entreprenant des démarches afin de trouver une solution financière ? Est-il acceptable de faire subir cela à une étudiante à 7 mois de la fin d’un parcours universitaire ayant demandé tant de sacrifices et d’efforts ?

Cette mesure est injuste et sans fondements. Nous considérons que l'université doit être un lieu d'études ouvert à toutes et tous, sans pré requis sur l'origine sociale ou culturelle ou sur les convictions politiques ou religieuses, nous exigeons de la présidence de l'université l'annulation de cette mesure disciplinaire et qu'il ne soit dorénavant posé aucun obstacle au bon déroulement futur du travail de thèse de Sabrina.

La lutte continue !

Commentaires

1. Le samedi, avril 11 2009, 14:45 par alezane

Il est fort regrettable qu'une femme de ce haut niveau intellectuel préfère ses croyances (en l'au-delà) à son épanouissement professionnel au service des autres sur cette terre et comment sa recherche serait-elle libre, si elle est prisonnière d'un symbolique bout de tissu?
Il est juste à mes yeux qu'un pays laïque comme le nôtre soit vigilant à ce que rien ne vienne heurter la neutralité des consciences par l'affichage matérialisé des convictions qui peuvent en heurter d'autres. La laïcité exige la discrétion! C'est un des principes de notre République et l'outil de notre bien vivre-ensemble.

2. Le dimanche, avril 12 2009, 15:13 par Jeremy

La croyance en l'au-delà (si c'est bien de cela qu'il s'agit. Après tout, qui sommes nous pour juger des croyances des autres à partir de leur tenue vestimentaire?) est-elle en contradiction avec un quelconque niveau supposé intéllectuel et un travail de recherche scientifique? Peut-être faudrait-il que certains ou certaines fassent une recherche historique sur les découvertes scientifiques passées d'autres cultures, notemment de la culture islamique.

Par ailleurs, je trouve cela hallucinant que certains voient leur liberté de conscience (leur conscience est-elle à ce point libre?) menacée par une femme portant un voile. Ont-ils si peu confiance en eux?

3. Le dimanche, avril 12 2009, 21:02 par vincent

Parlons de laïcité : Ne pensez-vous pas que la réelle laïcité serait d'accepter les croyances de chacun, matérialisées ou non ?

Pourquoi cette jeune femme aurait-elle à choisir entre ses croyances et son "épanouissement professionnel au service des autres " ?

Pourquoi la vue d'un foulard est si difficile à supporter aux yeux de certains ?

Penser que mes contemporains n'hésitent pas une seconde à ruiner la vie sociale et professionnelle d'une jeune femme à cause d'un malheureux foulard...

cela m'attriste profondément.

Pourquoi la jeune femme serait, selon vous, "prisonnière" de ce "bout de tissu" ?
Et en quoi cela nuirait à la qualité de ses recherches ?
N'avez vous jamais pensé que pour la majorité des femmes qui décident de porter le voile, celui-ci est un symbole d'affirmation de soi ?
Probablement au même titre que le travail peut l'être pour certains ?

4. Le dimanche, avril 19 2009, 14:57 par Pascalou

La religion est quelque chose de personnel et doit le rester, quand on travaille pour le compte d'un état laïque, en l'occurence l'état français que ce soit à la poste ou au CNRS on ne doit en aucune façon imposer aux autres sa croyance personnelle quelle quelle soit. C'est je crois le principe de ce beau principe qu'est la laïcité.

5. Le mercredi, avril 22 2009, 13:16 par Freedom

Ne mettons pas le terme de "racisme" à toutes les sauces. Le port du voile n'est pas obligatoire dans la religion musulmane. Le conserver alors que son employeur, l'Etat laïc français, lui a demandé de le retirer (en respect de la loi), devient un acte politique et non plus religieux.
A l'heure où nous condamnons tous le traitement humiliant de la femme dans certains pays islamistes, quel comble de voir que c'est une femme qui exprime un tel acte politique. Serait-elle fière de porter la burka en Afghanistan ?

6. Le vendredi, mai 1 2009, 17:09 par Jeremy

La laïcité est décidément une religion pour certains!

'Imposer' sa croyance? Au nom de quoi peut-on dire qu'une femme portant le voile nous impose sa croyance? Celui ou celle portant les dernières marques à la mode m'impose-t-il/elle son conformisme? Oui, sans doute. La seule solution honnête serait alors l'uniforme. C'est ça que vous voulez?

Par ailleurs, qui êtes vous pour juger des choix politiques ou religieux de cette femme, qui plus est en prenant comme argument le traitement des femmes en Afghanistan? Ici, c'est la France, et le port du voile (non pas de la burqa) n'y a rien à voir avec l'Afghanistan. De plus, le sexisme existe en France sous d'autres formes que l'obligation de porter le voile. Une des formes, c'est ce paradoxe d'un interdit imposé à certaines femmes comme prétendue moyen de lutter pour leurs droits.
Pourquoi ne pas nous dire honnêtement quelle est cette peur que vous ressentez en voyant une femme voilée? Et quelle est cette panique qui vous prends à l'idée de travailler aux côtés d'une femme voilée? Avez-vous peur d'un lavage de cerveau? :-D