ACTA est fabula ? *

La Gouvernance d'Internet se joue en coulisses : des négociations sur l'Accord international de Commerce Anti-Contrefaçon (ACTA), initié par les Etats-Unis et élaboré dans la plus totale opacité depuis le printemps 2008, sont actuellement entre les mains des négociateurs européens. Sur ce texte rendu public par le site WikiLeaks, on remarque en particulier la volonté d'instaurer un régime de responsabilité renforcée pour les intermédiaires techniques, par de nouvelles obligations, notamment de filtrage et de blocage des contenus protégés par le droit d'auteur qui circulent illégalement, portant ainsi atteinte à la neutralité du Net. D'ici au 17 décembre prochain, les négociateurs européens devront soumettre leur réponse à la proposition du représentant américain au commerce concernant chapitre Internet de l'ACTA. Il est désormais temps pour l'Union européenne de s'opposer fermement aux mesures secrètement négociées. La Quadrature du Net publie le 10 décembre une lettre ouverte aux parlementaires européens :

« Une coalition mondiale d'organisations non-gouvernementales, d'associations de consommateurs et de fournisseurs de services en ligne publie une lettre ouverte adressée aux institutions européennes concernant l'accord commercial relatif à la contrefaçon (ACTA), actuellement en négociation. Ces organisations appellent le Parlement européen et les négociateurs de l'UE à s'opposer à toute mesure dans l'accord multilatéral qui porterait atteinte aux droits et libertés fondamentaux des citoyens en Europe et à travers le monde. Parmi les premiers signataires de la lettre ouverte se trouvent : Consumers International (fédération mondiale regroupant 220 associations de consommateurs dans 115 pays), EDRi (27 ONG européennes œuvrant à la défense des droits civiques et du droit à la vie privée), la Free Software Foundation, l'Electronic Frontier Foundation, ainsi que des associations de défense des libertés de toute l'Europe. Votre organisation peut elle aussi signer la lettre ouverte ! »

ACTA : Menace globale pour les Libertés (lettre ouverte)

L'Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACTA) est un large accord intergouvernemental en cours de négociation allant des questions sociales essentielles d'accès aux médicaments à la régulation pénale d'Internet. Nous craignons que cet accord ne nuise sérieusement à l'innovation européenne dans le marché unique numérique, tout en portant atteinte aux libertés fondamentales et à la démocratie dans son ensemble.

Le processus de négociation pose en lui-même d'importantes questions de transparence et de respect des processus démocratiques, étant donné que le contenu du projet d'accord a été tenu secret depuis plus de 18 mois, et ce bien que certains détails des propositions aient récemment fait l'objet d'une fuite. Plus inquiétant encore, alors que le Parlement européen s'est vu refuser l'accès aux documents, l'industrie américaine y a eu accès, après avoir signé des accords de non-divulgation.

Une récente analyse de la Commisson européenne concernant le chapitre Internet de l'ACTA démontre que les questions en cours de discussion vont bien au-delà de l'acquis communautaire. Plus important, l'analyse de la Commission confirme que le document de travail actuel de l'ACTA restreindrait profondément les droits et libertés des citoyens européens, principalement la liberté d'expression et la protection des communications privées. Celles-ci sont en effet très fortement menacées, puisque le projet en cours appelle à l'adoption de dispositifs de "riposte graduée" et de filtrage de contenus en tentant d'imposer la responsabilité civile et pénale des intermédiaires techniques, tels que les fournisseurs d'accès Internet. Le texte pourrait également radicalement mettre en cause l'exercice de l'interopérabilité, qui est essentiel à la fois aux droits des consommateurs et à la compétititivé.

En conséquence, nous appelons le Parlement à enjoindre les négociateurs européens à établir la transparence du processus de négociation en publiant le projet d'accord, et à ne pas accepter une proposition qui nuirait aux droits et libertés des citoyens. De plus, nous exhortons le Parlement à indiquer fermement à la Commission et au Conseil que tout accord ne respectant pas ces principes fondamentaux forcerait le Parlement à rejeter le texte dans son entier.

* ACTA est fabula ? : locution latine par laquelle, dans les théâtres romains antiques, on annonçait la fin de la représentation.