Utopia sur les bancs d'infamie…

Ça vous en bouche un coin ! Voilà Utopia rangé par certains dans la catégorie des affreux antisémites… Ne riez pas, c’est du sérieux, même que nous voilà embarqués dans deux procès : l’un fait à Utopia Avignon par l’Association Culturelle Juive des Alpilles, l’autre initié par chacun des Utopia de France et de Navarre à l’encontre du Figaro et du chroniqueur Yann Moix. Pour que vous puissiez juger de l’affaire par vous-mêmes, vous trouverez ici l’intégralité de la prose de Moix : Une utopie pourrie ; le texte des gazettes sur le film Le Temps qu’il reste et une première réaction de ceux qui participent à la vie d’Utopia. D’autres suivront, dans les prochaines gazettes, chacun rapportant l’affaire à son vécu propre (vous pouvez d’ailleurs nous écrire votre propre point de vue). Simultanément aux réactions internes à Utopia, nous essaierons de donner des éléments de réflexion, de compréhension (articles, livres, etc.) car c’est un sujet qui ne concerne pas qu’Utopia. Depuis quelques années, les procès en « antisémitisme » fleurissent un peu partout : Mermet, Chomsky, Siné, Edgar Morin, François Cluzet et plein d’autres… font les frais de ce nouveau type de chasse aux sorcières. Pourquoi en arrivons-nous là ? Qu’y a-t-il derrière cette agressivité ?


De ma petite histoire…

J’ai grandi parmi les fantômes de deux génocides. Mon amie d’enfance était fille d’un dentiste arménien réfugié dans le petit village où je suis née et ma mère s’était précipitée chez lui autant pour faire soigner ses ratounes que pour rompre l’hostilité de villageois méfiants qui le confinaient dans un isolement douloureux. Il habitait avec sa femme et sa fille dans une unique pièce, qui servait aussi de cabinet dentaire. Quand il recevait un client, il tirait un rideau pour isoler le lit, et la roulette sifflait tandis que la soupe cuisait à petits bouillons sur la cuisinière à bois… On croyait préserver les petites des récits de ces grands malheurs en les chuchotant, mais nous ne manquions pas de capter l’essence des conversations des adultes. Mon père, qui avait passé cinq ans dans des camps de prisonniers en Allemagne, puni par un séjour à Ravaruska, savait de quoi ils causaient quand ils évoquaient ces horreurs.
Le jour où le frère de ma mère est arrivé en tenant par la main une beauté brune dont il semblait éperdument amoureux, nous annonçant qu’il allait se convertir au judaïsme pour pouvoir l’épouser, ma mère a fondu de bonheur : ce qu’elle redoutait le plus, c’était l’athéisme qu’Henri affichait et qui lui semblait devoir le précipiter aux enfers. Le Dieu des Juifs, pour elle, était le même que le sien, un Dieu amour, gentil, qui nous attendait tous sur un nuage… C’est ainsi que mon oncle est « devenu » juif et on a copiné très vite avec la famille d’Esther réfugiée à Alès, où ses membres travaillaient dans la confection. Là encore on chuchotait les horreurs des camps, on égrenait les noms des morts tandis que les petits jouaient dans leur coin… Et nous découvrions, sans que les grands y fassent attention, les cruautés du monde et la relativité de la vie.
Il n’est pas impossible que cette conscience de la fragilité de l’existence ait compté dans mon choix de rompre un jour avec une vie tracée d’avance pour m’embarquer dans une aventure qui avait les couleurs des valeurs que j’avais ainsi reçues.

AMF-Toulouse-2.jpg… à l'histoire d'Utopia

« Le cinéma facteur d’ouverture pour l’intelligence et le cœur, la connaissance des autres par les films comme moyen de lutter contre tous les racismes… » C’étaient les objectifs des statuts de notre première association. De quoi séduire le clergé d’Aix en Provence qui a conclu notre premier bail pour une salle de patronage. Défilaient sans cesse, dans ce petit cinoche embarqué dans l’ébullition d’idées qui caractérisait les années 70, militants du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, Chrétiens défendants les sans-papiers (déjà), féministes du Mlac, etc. L’ouverture aux autres, nos bienveillants curés ne l’avaient pas entendue ainsi : nous étions bien des enfants de chœur, mais pas tout à fait selon leurs critères. Ils ne tardèrent pas à vouloir nous jeter à la rue et y parvinrent.
A contrario, cette conception un peu agitée des choses nous valut la sympathie d’ Herbert, un Juif new-yorkais, spectateur assidu et directeur de l’Institut Américain d’Aix, qui proposa de nous reloger dans l’institut d’Avignon qu’il dirigeait également et alla même jusqu’à prêter aux fauchés que nous étions les premiers sous pour aménager la salle, ne ratant pas une occasion de faire des plaisanteries sur les Juifs et l’argent…
Le hasard voulut – mais est-ce bien le hasard ? – quand il a été question de donner une extension aux salles avignonnaises, qu’un couple d’amis, l’un séfarade, l’autre ashkénaze, rentre dans le capital des structures Utopia… Et c’est ainsi qu’Utopia s’est développé grâce à des Américains, des Juifs, des Chrétiens, des maçons, des psychiatres, des Iraniens… Les films étaient le prolongement naturel de ces mélanges et les débats étaient souvent vifs. Dès nos débuts il nous sembla donc évident d’attirer l’attention aussi bien sur le génocide juif que sur les méfaits de la colonisation, les horreurs de l’esclavage et tout ce qui pouvait concerner notre époque formidable, sans nous priver d’y aller de notre point de vue local ou global…
Nous avions en quelque sorte inventé le cinéma d’opinion, du décor à la programmation jusqu’à l’expression multiple de la Gazette où les textes n’ont jamais été signés parce qu’Utopia a toujours été une aventure viscéralement collective… et histoire que personne ne commence à se prendre au sérieux ! Bien évidemment le conflit israélo-palestien a toujours compté parmi nos préoccupations, et si certains étaient directement concernés (famille en Israël etc…), les autres percevaient qu’il pesait sur le devenir du monde.
Quand David – le Séfarade cité plus haut –, en 2002, nous a confié un texte, Pitié pour les Palestiniens, qui était un appel « à la justice sans laquelle aucune paix ne sera jamais possible », il nous a semblé naturel de le publier… Le ciel nous est tombé sur la tête. Lettres d’insultes, agressivité verbale, affiches déchirées : des Juifs, en leur nom propre ou se déclarant représentatifs de toute la communauté juive, entendaient nous imposer le silence. Non Juifs, nous étions antisémites, Juifs, nous étions des traîtres, des Juifs honteux… Deux ans plus tard, quand nous annonçâmes la venue de Leila Chahid à Toulouse pour le film Écrivains des frontières, le ton monta à nouveau…
Nous avons alors pris conscience que nous n’étions pas les seuls concernés et qu’un peu partout des pressions s’exerçaient dès lors que s’exprimait un autre point de vue que la version officielle d’Israël : déprogrammation d’une semaine palestinienne à Montreuil, de Route 181, formidable film d’Eyal Sivan, à Beaubourg, pression sur les élus de Lyon, de Bordeaux, d’ailleurs… contre la venue d’une jeune troupe de théâtre composée d’adolescents palestiniens, pourtant parrainée par l’Unesco, accumulation de procès contre les personnalités les plus variées…

Au fil des dernières années, nous avons vu se mettre en place une sorte de « police de la pensée » conduite par une petite poignée d’intellos bien en cour dans les médias, brandissant avec beaucoup de facilité l’argument d’antisémitisme pour faire taire toute critique, tout trait d’humour, toute parole non conforme à la « pensée officielle » d’Israël.
Quand le Figaro a publié Une utopie pourrie, chronique de Yann Moix réagissant au texte paru dans les gazettes d’Utopia – en l’occurrence il avait lu celle d’Avignon – sur le film Le Temps qu’il reste, l’énormité des insultes nous aurait presque fait rire si elle ne nous avait paru s’inscrire dans une stratégie délibérée pour faire taire. Se voir comparés, en pire, à Robert Brasillach, fusillé à la libération, être accusés « d’avoir troqué nos bottes et nos insignes d’officiers allemands contre des sandalettes de baba-cools cinéphiles et idiots pour en finir avec tout ce qui est juif dans l’économie du monde »… nous a laissé perplexes : comment réagir à ce qui nous semblait le comble de la sottise ?
Le CRIF a bien entendu enfoncé le clou en relayant sur son site le texte de Moix, tout en renforçant son sens initial par la pratique bien connue de « l’extrait qui tue » : Utopia y devient le fleuron des nouveaux antisémites qui « veulent en finir avec tout ce qui est juif »… En septembre, confortée par le texte de Moix au point d’en faire la pièce maitresse de son assignation, l’Association Culturelle Juive des Alpilles de Saint-Remy de Provence a alors assigné Utopia Avignon au Tribunal de Grande Instance pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence et injure publique (aggravée par des propos anonymement antisémites) ».
S’il y avait hésitation auparavant quant à l’idée de se lancer dans une procédure, ce dernier fait a provoqué une réaction unanime dans tous les Utopia, tous étant concernés pour avoir diffusé le texte incriminé, à Saint Ouen l’Aumône, Bordeaux, Toulouse, Tournefeuille, Montpellier, etc. Réagissant alors aux injures de Moix. chacun des Utopia a assigné le 4 novembre l’auteur de l’article et le journal qui l’a publié. La première audience est fixée au 5 janvier, à la 17e chambre du TGI de Paris. À suivre…

A.M.F. (Toulouse)


PG-Avignon.jpgMoix et moi

En Bretagne, tu allais à la laïque ou à l’école libre (entendez par là : catholique), t’étais bouffeur de curés ou grenouille de bénitier. Il existait aussi une troisième voie, celle des faux-culs, tendance petit commerçant, qui envoyait les enfants à la messe le Dimanche, cathé le Jeudi, confesse, confirmation, petite et grande communion… pour ne pas se fâcher avec la moitié (au moins) de la communauté (entendez par là : la clientèle). Ce fut mon chemin jusqu’à l’adolescence où j’optai alors pour la tendance anticléricale. Après un tel parcours initiatique, il m’apparaissait bien entendu que j’étais autorisé à être également bouffeur d’imams, de rabbins et de pasteurs en tout genre. C’était le temps où l’on croyait qu’un bon athée ne pouvait pas mettre la République en danger, bien au contraire…
Puis ce fut le début des années Mitterrand, les perspectives d’un monde meilleur étaient déjà ensevelies sous les ors de la République, insoumis à l’armée et fraîchement blanchi par Charles Hernu, ministre de la défense de l’époque, je m’embarquai dans l’aventure des cinémas Utopia à Avignon, mousse en cuisine. C’était la salle République et les deux salles Galante, du même nom que la rue qui a disparu, les salles aussi puisqu’elles sont devenues aujourd’hui un restaurant et que nous nous sommes depuis installés à la Manutention.
L’équipe fonctionnait peu hiérarchisée, avec prises de chou ponctuelles. Je me souviens de quelques réunions homériques où Moix n’aurait cependant pas eu sa place, car même si les débats étaient houleux, personne n’utilisait l’injure comme arme de destruction massive… Nous gardions finalement beaucoup de tenue et d’humour dans le désaccord et la polémique. Cette façon collective de travailler, et non anonyme, n’en déplaise au polémiste Moix, ne pouvait que m’emballer. Société anonyme ! sûrement pas ! Collective dans notre façon d’agir, de travailler mais on ne peut plus personnalisée dans le rapport aux autres… et quelles personnalités, souvent fortes en gueule ! Chacun de la troupe était bien connu en ville, qui dans des associations, qui dans des mouvements politiques, ou qui dans certains bistrots… Tout ce petit monde défendait mordicus des tas de films dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, des films qui nous racontaient le monde, les gens, les pays, les guerres, les espoirs, les noirceurs de l’âme… Des cinéastes qui par leur art critiquaient ce que nous faisions subir aux hommes et à la planète et que je percevais comme autant de leviers pour la transformer. Utopique ! Bien sûr ! Pourtant quel bel accès à la réalité du monde ! Et nous en avons organisé des rencontres, autour de tellement de sujets, exprimé notre point de vue dans la gazette sur ce qui se passait dans notre ville ou à l’autre bout de la terre…
Aujourd’hui, quelques décennies plus tard, ça continue et je pense toujours que le cinéma n’est pas là pour nous aveugler mais pour nous éclairer. Il n’est pas là pour nous faire taire mais bien pour que nous discutions, réfléchissions. Et cet enthousiasme à défendre les films ne nous a pas abandonné.
Lorsque ce lundi matin, il y a quelques semaines, j’ai reçu de la main de l’huissier l’assignation en correctionnelle par l’Association Culturelle Juive des Alpilles pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence et injure publique aggravée par des propos antisémites, mon sang ne fit qu’un tour. Se voir accusé des horreurs que l’on avait précisément combattues prouvait que le venin distillé par le chroniqueur Yann Moix du Figaro avait fait son chemin dans les chaumières au point de nous devenir soudainement inacceptable.

P.G. (Avignon)


Moix-Figaro-2009.png

À lire et à voir…

  • DE L'AUTRE CÔTÉ : épatante revue éditée par L'Union Juive Française pour la Paix. On y lit des textes de Charles Enderlin, Edgar Morin, Eyal Sivan, Warschawski, Théo Klein, Judith Butler, etc. Le numéro 5 vient de sortir (c'est possible de s'abonner).
  • ISRAEL PALESTINE Vérités sur un conflit, Alain Gresh (co-directeur du Monde Diplomatique) Editions Fayard. Alain Gresh est directeur adjoint du Monde Diplomatique, spécialiste des questions du Proche-Orient.
  • LE GRAND AVEUGLEMENT : le dernier ouvrage de Charles Enderlin (correspondant permanent de France 2 en Israël,) vient de paraître chez Albin Michel.
  • LÉVY OBLIGE de Thierry Levy chez Grasset : petit bouquin par la taille mais riche et dense où chaque mot fait sens. Avocat, Tierry Levy est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages importants sur la procédure pénale et la peine (on en reparlera). Il est l'avocat des salles Utopia dans les affaires citées ici.
  • 1948 LA GUERRE DE PALESTINE : derrière le mythe… Depuis quelques années, se développe en Israël une nouvelle historiographie qui remet en cause la version officielle israélienne des faits… dans ce numéro des contributions des meilleurs « nouveaux historiens » israéliens et universitaires arabes et occidentaux, pour offrir un regard neuf sur la guerre de 1948 afin d'en comprendre les enjeux historiques et contemporains (éditions Autrement, Collection Mémoires).
  • COMMENT LE PEUPLE JUIF FUT INVENTÉ de Shlomo Sand aux éditions Fayard : Shlomo Sand est Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Tel Aviv. Comment le peuple juif..., paru au printemps 2008 en Israël, est vite devenu un best-seller et donna lieu a des débats orageux. Daniel Mermet lui a consacré une émission lors de sa parution en France, émission que vous pouvez écouter sur internet.

et dans les DVD…

  • ROUTE 181, réalisé par le cinéaste israélien Eyal Sivan et le cinéaste palestinien Michel Khleifi : passionnant de bout en bout, le coffret de 4 DVD est la chronique du road movie de Sivan et de Khleifi durant l'été 2003 le long de la ligne de partage définie en 1948 par la résolution 181 des Nations Unies. Une foultitude de rencontres formidables avec des femmes et des hommes, israéliens, et palestiniens qui habitent la Palestine-Israël. www.momento-production.com

Commentaires

1. Le jeudi, janvier 7 2010, 10:17 par mln

Félicitations à Utopia pour son travail, nous vous soutenons dans la mesure de nos moyens. Un livre qui m'a beaucoup éclairée sur ces questions, et que vous connaissez peut-être déjà :
Est-il permis de critiquer Israël ? de Pascal Boniface.
En particulier sur le mode de fonctionnement insultes et agressivité, en dehors de toute argumentation.

2. Le dimanche, janvier 10 2010, 16:05 par MFC

Merci à Utopia d'exister et de nous autoriser une vie de cinéphiles en dehors des multiplexes.

Au § des suggestions j'ajoute le petit bouquin d'Esther Benbassa "Être juif après Gaza" très intéressant.

Pour finir quelqu'un suggère quelque part sur le web de diffuser "Le temps qu'il reste" pendant toute la durée du procès. Je vous incite plutôt à diffuser une oeuvre de Yann Moix, qui permettrait à ceux qui n'en ont jamais entendu parler de mieux cerner la dimension du personnage: Cineman est selon la critique unanime (enfin presque, BHL l'avait porté aux nues) THE nanar de l'année.

( Signé une spectatrice assidue, ET liiiiibre. J'ai des pompes à whatmille, du 19 de Chanel, je mange à l'occasion des nuggets chez le gros clown,et pourtant personne à Utopia ne m'a virée. Et je déteste la poterie )

3. Le lundi, janvier 11 2010, 18:30 par Air One

Bonjour,

De tout coeur avec vous pour les procès qui s' annoncent. La stratégie qui consiste à marquer toutes les voix discordantes du sceau de l' infâmie antisémite n' a pas lieu d' être dans un pays jadis loué pour sa liberté d' expression et de pensée.

L' article de Yann Moix est tout simplement scandaleux, injurieux, et relève tant du procès d' intention que du rêglement de compte avec une gauche qu' il exècre. Peu étonnant donc que ce médiocre cinéaste et piètre écrivain finisse par coucher ses éructations au Figaro.

Etrangement, quand ces nouveaux censeurs ne pratiquent pas le procès, c' est l' omerta qui prend place, comme à l' endroit du dernier livre de Blanrue, ultra-documenté et donc inattaquable, gênant. Lui aussi a donc eu droit aux accusations d' antisémitisme.

Cependant, à force de servir, la ficelle est devenue grosse et peu de citoyens sont dupes de la stratégie mise en place.

Je vous souhaite courage et hardiesse pour défendre votre honneur et votre cause.

4. Le jeudi, janvier 14 2010, 20:12 par pouet

L'utopia est bel et bien le second poumon du cinéma (avec l'ABC et tant d'autres), le parallèle ambitieux des multiplexes. Pour autant ça serait ridicule d'attaquer bassement Yann Moix.
De Partouz, le geste libérateur (écrire l'intime avec l'énergie du désespoir) jusqu'à son livre sur Jackson qui parlait avec justesse de l'enfance, l'écrivain à des idées et un style décomplexé, ce qui suffirait à le hisser en haut du panier actuel.
Quand à son cinéma, il se fait plaisir, c'est toujours des types qui rêvent trop, c'est plus ou moins réussi, il croit en ce qu'il fait ça suffit pour avoir envie de le suivre.
Sa tribune est à son image, elle cherche, elle provoque, ne fait pas de cadeaux. Tous ces procès pour des articles c'est bien triste, d'un côté comme de l'autre, pour quelques expressions mal pesées.

5. Le dimanche, janvier 17 2010, 15:11 par Eric FABRE-MAIGNE

LE MAUVAIS PROCES FAIT A UTOPIA

Je connais bien les fondateurs d’Utopia, ayant fait partie du Théâtre du Chêne Noir d’Avignon, quand naissaient dans cette ville les salles portant ce beau nom. Dès 1976, leur animation cinématographique de proximité contribuait déjà « à la diversité culturelle locale et à la création de lien social ». Trente ans après, ils n’ont rien renié de leurs engagements cinématographiques et politiques. « Indépendants, Solidaires et Fédérés », ils nous ouvrent toujours des espaces de réflexion salutaires. Sans oublier le plaisir esthétique qu’ils nous apportent : ma petite famille et moi-même découvrons nombre de films de qualité grâce à eux. Des films de tous les horizons sans exception, par exemple israéliens ou palestiniens, comme « Les citronniers » de Eran Riklis ; ou « Le temps qu’il reste » d'Elia Suleiman.

A ce sujet, je dois reconnaître que la présentation de cette fable universelle, parue dans la Gazette d’Utopia, prêtait le flanc aux critiques. Elle était pour le moins maladroite, et quelque peu manichéenne ; celle de leurs détracteurs l’étant totalement.
Si étymologiquement, le terme « milice » provenant du latin militia, signifiait « service militaire », il ne peut s’appliquer à l’armée d’un Etat constitué, aussi répréhensibles les opérations de celles-ci soient-elles. Mais qu’elles soient françaises ou chiliennes, serbes ou iraniennes, palestiniennes ou israéliennes, les milices modernes échappent au contrôle d’un gouvernement légalement élu, et à ce titre, commettent la plupart du temps des exactions que tout démocrate se doit de stigmatiser.
Ensuite, je trouve que nous sommes mal placés en France pour critiquer, la « lobotomisation » d’une politique de colonisation, quelle qu’elle soit, la France l’ayant largement pratiquée sur le continent africain, lors de son passé colonial.
Enfin, je citerai le regretté Mahmoud Darwich, poète palestinien qui a atteint à l’universalité : « Nous serons un peuple lorsque nous saurons que nous ne sommes pas des anges et que le mal n’est pas l’apanage des autres ».

Mais passé ces réserves, dans cette présentation, il n’était question que d’Etats, de politiques étatiques, donc de « personnes morales » (les guillemets s’imposent). Utopia et les cinéastes qu’ils promeuvent n’engagent qu’eux, ils usent, comme leurs accusateurs, de la plus élémentaire liberté d’expression. Ensuite, le débat est ouvert : à chacun de se faire une opinion, sans vouloir lui interdire une légitime réflexion ; ou contradiction.
Par contre, les débats où l’on attaque personnellement les débatteurs n’apportent rien à la critique positive.
L’utilisation d’un mot savant comme oxymore –« en réthorique, la réunion de deux mots de sens opposés, ex. une obscure clarté (Corneille) »-, veut donner de la hauteur à la charge. (Accoler l’adjectif « pourrie » au mot « utopie » en est d’ailleurs un autre, n’en déplaise à son auteur). Mais cette formule de style ne peut cacher une profonde agressivité.
Qu’on traite nos Utopistes de babas-cool est plutôt risible : elle fait penser à cette certaine personne qui se donnait pour programme de « liquider l’héritage de Mai 68 ».
A contrario, s’abriter derrière le paravent d’un statut de peuple-victime, et appeler Brasillach à la rescousse (pas celui de l’anthologie de la poésie grecque bien sûr, mais celui de la collaboration) dénote une volonté de stigmatiser. C’est une dérive vers un lynchage médiatique.
« Dans ce monde où les muselières ne sont plus faites pour les chiens »*, comme le chantait Léo Ferré, vouloir faire taire à tout prix ceux qui ne partagent pas nos idées est une dérive dangereuse qui nous rappelle des temps sinistres, dans ce pays en particulier.
Cela, nous ne pouvons l’accepter, car nous sommes encore en démocratie, n’en déplaise à certains.

« Même si je ne suis pas d’accord avec vous, je me battrai pour que vous puissiez vous exprimer » écrivaient les Philosophes des Lumières.
Les détracteurs d’Utopia se sont exprimés.
Maintenant, il convient de clore ce débat ; tournons la page et passons à d’autres films de qualité. Parce que dans ce mauvais procès, c’est l’action culturelle par ailleurs exemplaire d’Utopia et « le très beau film d'Elia Suleiman » qui me semblent les principales victimes.

E.Fabre-Maigné

*…Et qu'on ne me fasse point taire
Et que je chante pour ton bien
Dans ce monde où les muselières
Ne sont plus faites pour les chiens...
(Thank you, Satan)

6. Le jeudi, janvier 21 2010, 10:57 par Bastien Fedou

Bonjour

J'ai été indigné dès la première gazette où il en était question par ce mauvais procès qui est fait à Utopia. Encore une preuve qu'en France la liberté d'expression ne peut être toléré aujourd'hui par les autorités que controlée et encadrée. J'ai pris le temps de réfléchir longuement au sujet et je pense être en mesure maintenant de vous livrer quelques cogitations.

L'erreur primaire, et souvent répétée, pas seulement ici mais partout, c'est d'assimiler les juifs aux sionistes, et de faire de tout juif un sioniste. Définissons d'abord les mots, seul moyen de faire une critique et un commentaire constructif. On entends par juif un pratiquant de la religion juive, et par extension le groupe constitué par les pratiquants de cette religion. Le terme pour désigner le groupe ethnique d'appartenance des juifs n'est pas juifs mais sémite. Le sionisme est l'espérance
du retour des juifs à la terre promise, qui est devenu une idéologie à partir de 1917 avec la déclaration Balfour. On voit qu'il était opportun de commencer par définir les termes car tout un chacun les emploit indifféramment l'un pour l'autre.

L'idéologie sioniste a évolué d'une terre pour le peuple juif en Palestine" à une "terre toujours plus grande et prospère pour le peuple juif en Palestine". Ce n'est pas évacué les camps que de dire cela et de le penser, bien au contraire, c'est éviter que d'autres apparaissent. Ce qui est et ne peut être autre chose qu'un devoir moral voire sacré pour ceux qui croient au sacré. Nul ne nient plus, à de rare exceptions près, dont certaines lisent le Figaro, que les camps d'exterminations ont existé et que des millions de gens y sont morts. Et Utopia ne l'a jamais nié et ne le niera jamais. Critiquer le peuple juif ce n'est pas nié la Shoah. Et si ca l'était, la moindre des choses serait de le démontrer puisque ca ne va pas de soi, ce que Moix se passe bien de faire.

Tout ce qui précède amène une nouvelle question: est ce que le fait d'avoir été martyrisé donne à un peuple le droit de martyriser les autres? La réponse semble évidente dans les deux cas qui se sont présentés. Nul n'a le droit de martyriser qui que ce soit, et c'est la raison de la guerre totale menée par les démocraties contre le nazisme et la base de la Résistance. Pourtant, dans les deux cas existants (Israel-Palestine, Chine-Tibet), les dirgeants de ses peuples ont argués de leurs malheurs pour en faire subir aux autres et les grands pays n'ont rien trouvé à redire.

Mais la critique de Moix est plus profonde, il nie carémment que le peuple juif est causé des torts au peuple palestinien. Qu'en est il alors des milliers de morts civils des multiples offensives à Gaza, en Palestine, au Liban? Qu'en est il des milliers de gens privés de leurs terres, de leur eau, par les colons, illégaux comme tout les colons, d'après l'ONU? On se rappelle aussi l'histoire de Rachel Corrie et le film qu'Utopia a diffusé à ce sujet. Il y a donc un faisseau de preuve qui rend la critique de Moix nulle et non advenue.

L'appel à la haine raciale ne vient donc que d'un seul coté et pas celui d'Utopia. En refusant de condamner à égalité des crimes des juifs et ceux des autres, ceux qui comme Moix, ou à travers Moix, défendent cette position créent une justice à deux vitesses. Il y a des lois pour les autres et des lois pour nous. Faire une telle différence, n'est pas là la base de la haine raciale? De plus, ses idéologues "bien pensants" et proches du pouvoir, sacrifient de cette façon les Palestiniens mais ce n'est pas leur problème. Indirectement par ce texte, Moix incite donc à la haine raciale contre les Arabes, en une période propice puisqu'il y a actuellement un débat entre militant UMP, ils laissent pas rentrer les autres, avec le but avoué de définir l'identité française comme celle des français blancs à l'exclusion des autres.

Pour conclure, je dirais que Moix devrait apprendre ou réapprendre les bases du journalisme, comme quoi un fait doit être verifié avant d'être publié et que toute affirmirmation doit être démontrée sans quoi elle est sans valeur. Et ca résume d'ailleurs bien le texte de Moix, sans valeur.

7. Le lundi, février 8 2010, 13:09 par Nicolas Le Gac

J'ai lu l'article du monsieur qui se tient la barbichette. Quelle poésie! "On s'imagine que l'été, quand les cigales sont là (...) nous n'avons rien à craindre de la haine". Le premier de nous deux qui rira aura une tapette! Mais on n'a pas vraiment envie de rire quand on lit la suite de sa prose. Il marque tout de même un point en nous reprochant le port de sandales: s'il fallait lui foutre notre pied au cul, on se ferait mal aux orteils... Bon courage, on vous soutient depuis la pointe Bretagne!
(Au fait, il n'a pas compris qu'une Gazette était signée "Utopia" ?... C'est marqué en gros sur les 2 couvertures! C'est pas une abeille mais une cigale qu'il a dans le caleçon!)
Un (ex)utopiste qui a signé plus haut.

8. Le dimanche, février 28 2010, 12:50 par pat Nauzin

Je découvre ce jour vos déboires judiciaires et je constate que, comme à votre habitude quand même, vous avez su saisir l'opportunité d'un conflit pour en faire un débat d'idées, ouvert et enrichissant. Regardez comme l'attaque que vous avez subie permet aux contributeurs d'exprimer, quelques soient leurs origines ou leurs engagements, un amour et un respect commun pour la liberté de parole, de ton, d'opinion, de pensée. Mesdames, messieurs, ça fait chaud au coeur de vous lire tous, je vous adresse un grand merci.

9. Le mercredi, mars 24 2010, 22:04 par Leila

Voici un texte qui soulève bien de questions. Je me suis particulièrement intéressée à cette histoire parce que j'avais moi-même été très choqué par vos propos.Vous êtes absolument ignobles !
http://laregledujeu.org/2010/03/24/1139/les-cinemas-utopia-contre-yann-moix-de-la-polemique-au-tribunal/

10. Le lundi, avril 12 2010, 14:21 par Moshe

En tant que juif - de naissance pas de conviction ni de croyance je soutiens pleinement Utopia. Une fois de plus, la liberté d'expression est bafouée. Surtout ne rien dire qui ne serait approuvé par qui on sait. Eux, ils ont le droit de dire qui peut se prononcer. Taisez-vous ! Les victimes de droit divin parlent. Une fois de plus une certaine communauté se victimise, accrochée qu'elle reste à un passé douloureux certes, mais passé. Je suis un homme libre. Ni dieu, ni maitre. A ce titre je ne peux cautionner ce genre d'attaque qui ne sert à rien. Est-il question d'initier un dialogue pour que chacun écoute l'autre sans passion ? Non je ne le crois pas.
Le but est de faire taire l'autre sans lui laisser la chance de s'exprimer. Sans tourner autour du pot, sans la poésie creuse de M Moix, je pense qu'on veut faire parler la poudre...une fois de plus la nature pourrie de l'homme - n'en déplaise - parle à travers ce qu'il sait faire le mieux, la violence, ici par la justice, mais la violence quand même, avec au passage un jet, par M Moix, d'essence sur le feu couvant.
C'est triste.
Un juif clandestin et traitre sans doute...

11. Le lundi, juin 7 2010, 15:59 par robert

Rien de nouveau dans tout cela, JP SARTE l'avait déjà écrit : L'extrême droite et fascisante (antisémite) et l'extrême gauche est totalitaire (antisioniste). L'une avance a visage découvert, l'autre avance masqué.

12. Le lundi, juin 7 2010, 20:41 par Puylaurens

S'aveugler sur ce qui se passe au Moyen-Orient est bien dommage, considérer les salles subventionnées comme un lieu où délivrer un message éminemment politique pose des problèmes déontologiques, mais votre boycott du film "A 5h de Paris" est carrément immonde : vous réduisez l'équipe du film à sa nationalité, et stigmatisez les auteurs pour leur identité, ce qui est horrible. Si vous êtes contre l'action de Tsahal, pourquoi n'allez vous pas vous enrôler dans les rangs du Hamas, du Hezbollah, des Pasdaran ? Il y a malheureusement le choix. Ce qui est sûr, c'est que je ne mettrai plus un centime dans vos salles.

13. Le mardi, juin 8 2010, 17:57 par camille

Juste un commentaire pour vous apporter mon soutien dans cette période et souligner la "grandeur" du geste que vous avez fait, qui demande un certain courage, aujourd'hui en France où personne ne dit rien...

14. Le mardi, juin 8 2010, 18:47 par benoit 16

Mes biens chers fils,
je tiens à vous apporter ma bénédiction pour l'anathème lancée par vous contre les mauvais films.
Comme vous l'expliquez dans le texte de présentation,vous avez commencé sous les auspices de l'église et vous restez un cinéma de patronage. patronage laic, féministe, homosexuel et pacifiste, mais patronage quand même. notre but commun n'est pas esthétique mais éthique: il ne faut que des films édifiants.

amen.

15. Le lundi, juin 14 2010, 11:23 par soso31

Bonjour,
Je rejoins les pensées de Puylaurens concernant votre boycott du film "A 5h de Paris". Comment pouvez vous jugez un homme sur son identité ? Je n'aurais jamais imaginé que l'Utopia se permettrait de juger un homme à sa nationalité, sa couleur, son physique. Avez vous perdu la tête ? Pourquoi ne pas boycotter les films chinois (responsable du génocide des tibétains...), les films thailandais (responsable de la prostitution enfantine...), les films coréens, les films maghrébins et bien d'autre encore ??? Qu'elle explication avez vous à donner pour ce geste immonde qui est loin de représenter vos idées de liberté, égalité, fraternité ? Moi aussi, j'ai décidé de boycotter votre cinéma et j'espère que de nombreux cinéphiles feront de même.