Les films de l'année

2010 est arrivé, et j'ai comme une envie qui me prend de revenir sur une année cinématographique très riche en émotions et découvertes de toutes sortes. J'aimerais partager avec vous les films qui m'ont fait vibrer. Étant donné que je ne suis pas infaillible, et que je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de tout voir, tant la cadence des sorties est soutenue, cet aperçu non exhaustif des films de l'année 2009 est forcement imparfait. Libre à vous de compléter mes lacunes !

Pour commencer, malgré sa sortie messianique à la date du 24 décembre 2008, Louise Michel des deux trublions du Groland, pourrait ouvrir le bal comme il se doit. Quelques semaines après le retentissement médiatique de la crise du capitalisme, nous parvient cet objet politiquement incorrect et non moins jouissif, quand la classe ouvrière reprend les rennes de son destin, et décide de s'en prendre violemment au patron sans foi ni loi qui décide de délocaliser les chaines  de productions. A l'heure où les DRH apprennent aux employés à dédramatiser, car comme il leur explique si bien « Tous vos problèmes, vus de la lune, c'est peanuts », Kervern et Délépine nous le rappelent à bon escient, c'est toujours les mêmes à qui on laisse les restes, autrement dit les cacahuètes. Bien ficelé et au moins le ton est donné pour la suite de cet article. A noter : les deux compères vont sortir au mois d'avril leur nouveau film, Mammuth, où l'on retrouvera Yolande Moreau et Bouli Lanners aux côtés de Gerard Depardieu et Isabelle Adjani, escusez moi du peu...

    Tous les ans, il y a ceux que l'on attendait au tournant, et qui somme toute, après réflexion, ne laissent pas un souvenir immarscecible, comme Slumdog Millionnaire, où Boyle avoue sans remords que les bad guys ne l'interessent plus et la morale de cette fable sociale peut parfois faire froid dans le dos. On l'attendait également avec impatience, Inglorious Basterds de Tarentino qui nous délecte de fameux passages truculents. Dommage que tout l'égocentrisme de ce monsieur dégouline jusqu'aux personnages de son film. Et puis je reste aussi mitigé pour L'étrange histoire de Benjamin Button de Finsher, les prouesses techniques étant si efficaces que l'émotion a bien du mal a pointer son nez.
 
    Mais parfois je dois dire que la technique a au moins le mérite de servir une cause, en aidant parfois les faiblesses d'un scénario, ou en le servant pour le mieux. Je ne pouvais pas éviter ici de vous parler d'Avatar, sorte de western moderne où Cameron nous parle un peu de cette Amérique qui aimerait se racheter, et malgré le manichéisme un peu étouffant et attendu de son récit, a au moins le mérite d'en faire un blockbuster attachant et surprenant. La planète Pandora n'a rien à envier à Copenhague, soyez en certains, et ne trouvez vous pas que cet univers féérique ressemble au monde qu'essaye de réinventer sans cesse ce cher Miyazaki? L'occasion pour moi d'évoquer son dernier film, Ponyo sur la Falaise, conte plus enfantin que ce à quoi il avait pu nous habituer, mais toujours autant touché par la grâce. Et dans le genre bankable, Pixar n'est pas en reste, en sortant à l'été 2009 Là-Haut, où le rire cotoye les larmes, le but du septième art perce  irrémédiablement les cieux, l'Homme et ses rêves prenant ici une place prépondérante.


    Les ambitions de Bill Plympton n'en sont pas moins louables, lorsqu'il nous invite à ce voyage doux-amer à ces côtés. Des Idiots et des Anges, a assurement cette force que seuls les artisans du cinéma indépendant peuvent nous faire ressentir. Du côté francais, Rebecca Dautremer possède bel et bien l'art de conter, comme ce voyage initiatique auquel elle nous invite, avec Kerity, et la Maison des Contes. Nathael, 7 ans, surmontant ses peurs et sa difficulté à lire, bascule bientôt de l'autre côté du miroir, façon l'homme qui rétrécit au pays de Coraline, d'Henry Selick. Coraline revisite admirablement le côté sombre d'Alice aux pays des merveilles (dont l'adaptation de Tim Burton sortira au mois d'avril), dans l'univers personnel et  envoûtant du réalisateur de L'étrange noël de Mr Jack. L'animation nous a également promis quelques belles surprises, avec deux longs métrages destinés à un public adulte, portant de nombreuses réflexions : le premier est israelien Le sens de la vie pour 9,99$, de Tatia Rosenthal, et le second est australien Mary and Max, distillant tous deux un humour noir et une douce mélancolie. Et l'Australie d'ailleurs parlons en. District 9, aux allures de blockbuster un peu fauché, nous a réjouit d'un scénario haletant, nous a surpris sans crier gare. Niveaux de lecture multiples, dans ce décor digne d'un bidonville comme nous pouvons en voir aux quatre coins du monde, où des immigrés extraterrestres font trembler la ville de Johannesburg. Enfin, si l'on ne devait se souvenir que d'un nom australien, ce serait peut être celui de John Hillcoat  avec deux films qui devraient le populariser. Le premier, réalisé en 2005, remet le western crépusculaire au goût du jour, avec The proposition, scénarisé et mis en musique par Nick Cave. Le second, adapté du déjà célèbre Cormac Mc Carthy, La route, essai humaniste dans un monde post-appocalyptique à l'agonie, où seul l'amour pourra sauver la race de l'extinction.



    Parmi les autres surprises de cette cuvée 2009, qui laisse une trace persistante dans la mémoire, le film de Kelly Reichardt, Wendy et Lucy, dépeint une belle tranche de vie dans un paysage américain minimaliste. Et en fin d'année le cinéma grec a accouché d'un ovni aussi improbable que dérangeant avec Canine, huis clos familiale où les parents enferment leurs enfants dans l'ignorance totale du monde qui les entoure, leur faisant prendre des vessies pour des lanternes. Jubilatoire. Quant à Xavier Giannoli, évidemment pas à son premier coup d'essai, offre au cinéma francais l'un des plus beaux films de l'année. A présent nous devrons bien compter sur lui : A l'origine, dont la densité dramatique sonde les ressorts intimes d'un homme (Francois Cluzet, incroyable), a l'ambition épique d'un grand film. Pour finir cette section découverte, je ne pouvais pas passer à côté du premier film de Léa Fehner, Qu'un seul tienne et les autres suivront. Film chorale s'il en est, profondément humain, à l'issue duquel une séquence dans le parloir rassemble toutes ces vies et personnages disloqués. Maestria certes imparfaite, mais qui n'augure que du bon pour la suite.



    Qu'en est-il alors des cinéastes les plus prolifiques de ces dernières années? Alors que papy Eastwood fait de la résistance, comme son personnage antipathique de Gran Torino (grand cru 2009), beaucoup d'autres continuent de manier cet art avec clairvoyance. Les jurys cannois ne se sont pas trompés en récompensant quelques-uns de ces représentants. Tout d'abord Haneke auréolé de la palme d'or pour son conte Le ruban blanc, rappelant que la mise en scène n'a nul besoin d'effet à tout rompre et de prouesse technique pour augurer un succès critique et public.

Audiard n'a pas non plus de quoi rougir de son succès, Un prophète, sélectionné dans (presque) tous les festivals, a assurément la reconnaissance de ses pairs (et non père). D'ailleurs, la filiation n'est ce pas l'un des enjeux du film de Coppola, Tetro, qui nous revient au cinéma avec un goût pour l'expérimentation que l'on avait presque oublié chez lui. La couleur se conjugue au passé, le noir et blanc au présent, et Gallo irradie l'écran. Dans sa version raccourcie (celle de Cannes était alors plus longue d'une vingtaine de minutes), nul ne peut nier l'évidence, son testament ressemble à un chef d'oeuvre (ou le contraire). Kiyoshi Kurosawa apparaît quant à lui comme le surdoué du cinéma japonais contemporain, quand il nous livre Tokyo Sonata en début d'année, ne fait-il pas l'unanimité? Quant à Nuri Bilge Ceylan, qui avec Les trois singes, sacré meilleur réalisateur, nous ouvre les portes d'un cinéma impressionniste et contemplatif d'une qualité irréprochable. D'autres irréductibles du festival cannois se sont peut être fait voler la vedette, mais nous ont assurés de leur vitalité sans faille, comme Almodovar avec ses Etreintes brisées ou encore Ken Loach, dans une veine comique inhabituelle grâce à Looking for Eric.



    Du côté des documentaires, des bijoux sont apparus sur nos écrans en 2009, et il m'est impossible d'y passer à côté. Datant de 1984, mais apparu sur les écrans ciné en 2009, profitant de la sortie de Harvey Milk de Gus Van Sant, The times of Harvey Milk, retrace le climat social et politique de San Francisco et le destin hors pair de cet homme, brutalement assasiné. Fascinant et intemporel. Deux autres documentaires incroyables, interrogent la fuite du temps, sur un mode autobiographique. Le premier, Of time and the city de Terence Davies, ode à sa ville natale de Liverpool et le second, Winnipeg mon amour de Guy Maddin, oeuvre unique et somptueuse. Deux patchworks hypnotiques, démonstration d'une subjectivité où le rêve acquiert une place prépondérante. Enfin, le chouchou de cette année serait surement Walter, retour en résistance, retracant le parcours singulier de Walter Bassan, qui conjugue la résistance d'un passé qui nous semble si lointain au présent pas vraiment glorieux. Lorsque l'intime se conjugue à la vie de la cité, ou quand la vie quotidienne rime avec acte necessairement politique. Un coup de fouet à la morosité ambiante. 



    Et pour finir dans un registre tout autre, Hadewijch de Bruno Dumont, est à bien y réfléchir, inclassable. Il impressionne par la sérénité d'une mise en scène, austère parfois, maniant avec brio l'elipse et menant le spectateur par le bout du nez, du début à la fin, sans pour autant lui donner toutes les clés aux multiples questions qu'il évoque.


    Mon Top 10 de l'année (par ordre alphabétique) :
        A l'origine
        Avatar
        District 9
        Gran Torino
        Hadewijch
        Les 3 singes
        Tetro
        Tokyo Sonata
        Un prophète
        Winnipeg, mon amour

Et vous?
       

Commentaires

1. Le mardi, janvier 19 2010, 13:02 par Prophète

Très joli aperçu, avec lequel je suis en grande partie d'accord (quoique District 9 et Hadewijch... mouais...).
Juste rajouter, puisque tu parles d'Australie, un oubli plus que malencontreux selon moi, le magnifique film de l'aborigène Warwick Thornton "Samson & Delilah", qui figurerait pour sûr en très bonne place dans mon Top 10...
En tous cas merci pour la séquence souvenirs...