Sans Pop-corn, sans Pub, sans 3D… et sans grosses lunettes qui vous donnent l’air con

Pour sûr, on n’est pas vraiment copains avec la 3D, cette nouvelle bulle technologique rendue incontournable par l’effet jack-pot d’Avatar conjugué à l’obsession des industriels de nous fourguer toujours plus de camelote. Un avatar calamiteux qui, après avoir tourné la tête des grands circuits de diffusion, est en train de rendre maboul les élus du peuple de gauche dont il faut bien convenir, hélas, qu’ils n’en sont pas, dans certaines régions viticoles, à leur première crise de delirium tremens. Il n’étonnera personne que ce soit le cas à Bordeaux où, à l’issue de libations effrénées, le Conseil Régional s’est mis en tête de prêter la main et un argent public devenu rare (c’est bien ce qu’ils nous cornent aux oreilles chaque jour) au plus large développement possible de la 3D. Il se confirme, en effet, dans un article paru dans le journal Sud-Ouest du 12 mai, qu’un troisième cinéma, le Jean Eustache (pauvre Jean Eustache !), cinéma associativo-municipal bien connu à Pessac dans la banlieue de Bordeaux, ne fait pas mystère, malgré son statut de salle publique subventionnée classée Art et Essai, de son impatience ardente à pouvoir bénéficier, comme les grands groupes, de cette attraction à 95 000 euros, avec cette nuance de taille que l’argent de cette imbécillité serait pris directo dans la poche du contribuable pour donner du relief à une industrie qui nous gave déjà de sous-produits US…

En effet, son « directeur général et artistique » (où vont-ils chercher tout ça ?) souhaite bénéficier de l’installation de ce bidule « de préférence d’ici l’été pour la sortie, le 30 juin, de Shrek 4 » afin d’éviter un nouvel avatar, celui de devoir passer ce Shrek 4-là en 2D, format décadent, voire obsolète (obsolète, le bon vieux 35 ?), synonyme en tout cas d’un « manque à gagner » que notre directeur général et artistique évalue, pour avoir passé Avatar sans grosses lunettes, à 50 000 euros. Vous l’aurez compris bien sûr, cette histoire nous énerve pour deux bonnes raisons au moins. La première, c’est qu’il n’est pas besoin de la 3D pour faire vivre un cinéma sans subventions, nous en sommes un vivant exemple, et la seconde qui m’est soufflée par Le Monde, c’est que nous manquons en France d’une bonne vingtaine de scanners pour nos hôpitaux qui, avantage conséquent, n’ont pas besoin d’être équipés en 3D.

Mais bon, la vie est belle et il reste encore, entre deux apéros Facebook, de franches occasions de rigolade. Celle-ci par exemple qui nous a été transmise par nos collègues d’Utopia Avignon. Ces petits scorpions viennent en effet de découvrir, dans un journal local, une information qui ravira ces élus de proximité de gauche, apôtres de la 3D. Sous le titre Le leader français des lunettes 3D lorgne ailleurs, on peut lire un article mettant en relief une vieille connaissance d’Utopia, le dirigeant du FN en Avignon. Article dont nous ne pouvons résister au plaisir de vous citer un extrait : « Surfant sur les bons résultats du Front National à Cavaillon (plus de 35%) Thibaut de la Tocquenaye, tête de liste FN aux régionales pour le Vaucluse et industriel leader des lunettes 3D pour le cinéma, pourrait éventuellement quitter Avignon, où il est candidat souvent malheureux depuis 15 ans ». Outre que nos chers lascars d’Utopia Avignon ne sont guère fâchés de voir enfin leur Thibaut mettre les bouts, il est piquant de constater que nos élus de gauche de proximité – plus que de proximité de la gauche – vont contribuer financièrement, par leur choix technologique judicieux, à conforter la bonne fortune politique du futur caudillo cavaillonnais en se fournissant en lunettes 3D pour couvrir les museaux des spectateurs des trois salles qu’ils ont déjà décidé d’équiper.

Alors question à trois balles : nos chers élus achèteront-ils français et Front National ou chinois et inéquitable ?… le suspense est à son comble…

On se cherche évidemment des copains anti 3D et ça ne court pas les rues. On serre donc dans nos bras et on fait un bisou sur le nez à Catherine Vincent, qui signe un article dans Le Monde sous le titre Lunettes 3D, danger ! et qui sous-titre pour notre plus grand bonheur « chères, rigides, comiques », fabriquées par le Front National (ça c’est nous qui en rajoutons un brin), « ces bésicles à la mode dans les salles obscures pourraient aussi provoquer des troubles neuro-oculaires. » On continue de la citer parce qu’on ne saurait mieux dire : « le vrai problème pour les spectateurs n’est pas tant qu’elles sont comiques : après tout, si je ne veux pas éclater de rire au moment le plus dramatique du film, je n’ai qu’à éviter de regarder mes voisins, tous affublés, comme moi, de binocles psychédéliques à faire pâlir d’envie Elton John, mais c’est qu’elles sont chères, entre 1 et 3 euros en plus du billet, avec obligation de les rendre à la sortie. Lourdes et rigides, elles sont d’un usage acrobatique quand on a un petit nez et plus encore quand il s’agit de les superposer à des lunettes de vue. Parfois défaillantes, la réception et la qualité de l’image pouvant différer selon la place du spectateur dans la salle, et voilà qu’en plus, elles seraient néfastes pour la santé ! En Italie du moins, où le ministère du même nom entend porter le principe de précaution jusque dans les salles obscures. Le danger ? L’apparition éventuelle de troubles neuro-oculaires dûs à l’effort contre nature que la 3D demande à nos yeux. Un risque confirmé par le professeur d’optométrie américain Martin Banks (université de Californie à Berkeley), auteur d’une étude inquiétante sur le “conflit optique” qui fonde l’illusion de relief au cinéma. Ce conflit, estime-t-il, peut provoquer des vertiges, des nausées, ou de sérieuses migraines. Le ministère de la santé italien, toujours lui, souligne par ailleurs que les fameuses bésicles, toujours hélas estampillées Front National (petit rajout supplémentaire et complaisant), en circulant d’un nez à l’autre, favorisent la propagation de germes infectieux, des épidémies de poux, et peut-être même des idées du Front National (dernier ajout, franchement tendancieux, mais sait-on jamais). Des germes, des poux, contre lesquels les exploitants de salles italiennes sont priés d’établir prestissimo un protocole sanitaire pour que leurs lunettes 3D soient désinfectées entre chaque séance. » (Le Monde du Samedi 7 mai 2010)


Alors question en forme de conclusion : y-a-t-il urgence à injecter de l’argent public dans ce bidule sans lendemain, néfaste pour la santé de nos concitoyens et profitable, à court terme, au seul cinéma américain ? Faut-il rappeler, en effet, que depuis le début de l’année, sous l’influence de la 3D, la part de marché du cinéma yankee est passée à 63% pour 32% à notre cinéma national et 5% pour le reste du monde, des proportions largement accentuées dans les multiplexe de périphérie où l’on flirte avec un 85% pour les films américains.

Ne serait-il pas souhaitable, plutôt que de pousser les salles publiques subventionnées à céder aux sirènes du « marché », de les inviter à la résistance en les aidant, certes, à s’équiper en numérique mais en assortissant cette aide d’une obligation réelle à servir l’alternative culturelle ? C’est ce que nous faisons, salle privée à Bordeaux depuis dix ans, et c’est ce qui nous a valu étrangement un refus d’aide à l’équipement de nos salles en numérique de la part de la Région. Par le sang bleu du Christ, encore un méfait des apéros Facebook…

Voir aussi le communiqué ISF : Les salles indépendantes seront-elles les « dindons de la farce » numérique ?

Commentaires

1. Le mercredi, juillet 7 2010, 07:06 par LordGalean

au début, je voulais rester poli et tout ça, mais devant tant de conneries dans cet article, d'approximations, d'amalgame à la con, et de mensonge (les lunettes 3D passives peuvent être emportés chez soi car elles sont achetés par le spectateur, du moins à l'heure où sont écrites ces lignes ; je renonce à tout ça, et je vous conseille afin de mourir moins con de vous mater les 1h21 de la conférence de Rafik Djoumi, journaliste adepte de nouvelels technologies sur la 3D.

http://www.dailymotion.com/video/xd...

en espérant que ça vous mettra du plomb dans la tête, à défaut de vous en coller dans les fesses. Je ne vous salue pas St Jérome, surement le saint des populistes, crétins et ignares.

2. Le mercredi, juillet 7 2010, 08:57 par LordGalean

tiens st Cristophe, un complèment sur la 3d histoire de briller dans ta maison et ton cercle d'ami, et ne plus sortir tant de conneries au kimoètres carrés.

alors évidemment ça dure longtemps, mais lire des articles spécialisés et des livres aussi, considère que c'est un résumé pour pallier ton inculture crasse :) http://www.dailymotion.com/video/xd...

3. Le mardi, juillet 13 2010, 14:38 par io33

et la connerie ? ça se transmet pas par les lunettes 3D la connerie ? ben je pense pas, parce que pour enfiler à ce point les âneries il doit en porter en permanence le coincé de l'Utopia... mais il y va de temps en temps à l'Eustache cet ahuri ? moi j'y vais en voisine, je peux y voir des films commerciaux américains, des films commerciaux français, des films art et essai, je suis toujours accueillie par des gens sympas qui ne se la jouent pas super intellectuels, bref des gens normaux qui aiment visiblement réfléchir mais s'amuser aussi, qui savent proposer un divertissement et de la culture, autre chose que les tristes-culs de l'Utopia... vous faites des amalgames impardonnables, franchement associer le FN et l'Eustache, fallait oser... pauvre type va...

4. Le mardi, juillet 13 2010, 15:51 par Rodolphe

@io33 : Nous n'avons pas associé le FN et le Jean Eustache, d'autant plus que nous ne savons pas quelle technologie 3D ils ont choisi… et puis un peu d'humour que diable ! (les « tristes-culs » ne semblent pas être ceux que vous désignez, à la vue de ce commentaire) Par contre, se poser la question de mettre de l'argent public dans une nouvelle bulle technologique, qui favorise de surcroit le cinéma américain, ne parait pas inutile… (sans parler de cet empressement à passer Shrek 4 alors qu'il y a à proximité pléthore de multiplexes qui jouent très bien ce rôle, est-ce bien nécessaire pour une salle subventionnée…)

5. Le mardi, juillet 13 2010, 16:50 par Rodolphe

@LordGalean : Merci pour ces liens, cette conférence montre bien les limites de la 3D et son côté « bulle technologie », ce qui était l'objet de cet article… La 3D c'est juste une fois de plus une histoire de création de besoin à grand coups de marketing, à l'instar de cette pub très bien faite, mais où bizarrement personne ne porte de lunettes, comme quoi il doit y avoir des études qui montrent que ces fameuses lunettes sont un problème :-) http://myscreens.fr/2010/web/samsung-tout-en-relief/

6. Le jeudi, juillet 22 2010, 21:04 par Vidéo en Poche

On constate déjà 6 mois après Avatar une baisse significative et constante du pourcentage des revenus apportés par la 3D… http://identi.ca/notice/43003082

7. Le mardi, juillet 27 2010, 12:16 par Rodolphe

À lire pour les passages sur la 3D, l'interview de Christopher Nolan dans les Inrocks. Une citation parmi d'autres : « difficile de regarder un film en 3D, surtout avec les lunettes et la fadeur de l'image. »

8. Le mercredi, juin 25 2014, 19:09 par Docteur Script

Bonjour,

J’aime bien votre cinéma, mais cette histoire de 3D quand même…

J’espère que vous allez y revenir très vite, au risque (c’est peut-être déjà trop tard) de vous retrouver dans le même panier que ceux qui ne croyaient pas au parlant lorsqu’il est “apparu” en 1927.

Relisez le travail de Martin Barnier (“En route vers le parlant”) par exemple et vous constaterez que les critiques faites au relief sont quasiment les mêmes que celles que l’on formulait à l’encontre du son (difficultés techniques, malaises des spectateurs, etc.).

Souvenez-vous aussi de Bazin : “Le mythe directeur de l’invention du cinéma est […] celui du réalisme intégral, d’une recréation du monde à son image, une image sur laquelle ne pèserait pas l’hypothèque de la liberté d’interprétation de l’artiste ni l’irréversibilité du temps.”

Bon, si la seconde partie de son assertion n’est malheureusement pas suivie par le cinéma 3D qui préfère créer des mondes issus de l’imaginaire de l’artiste, l’idée de la quête du “réalisme intégral”, elle, trouve tout son sens avec l’ajout du relief.

D’ailleurs, vous voilà bien ennuyés avec votre choix éditorial lorsque Godard sort sa dernière oeuvre en 3D, vous voilà obligés d’écrire des approximations (pour ne pas dire âneries) car vous passez à côté des expérimentations du cinéaste.
Ainsi, vous parlez de surimpression là où Godard n’en fait pas…
A propos de la surimpression, vous le dites très justement, il s’agit de la juxtaposition de deux images qui en donne une troisième.

(http://www.cinemas-utopia.org/borde…)

Godard, en 3D, donne à voir une image pour chaque oeil. Et nous voyons donc deux images, pas une. Deux images qui donnent deux images.
Et si on ferme l’oeil droit, nous ne voyons plus qu’une seule image, celle destinée à l’oeil gauche, et non plus les deux comme dans le cas de la surimpression…
Oui, Godard réinvente la surimpression, et vous, vous passez à côté.

Vous passez à côté aussi de l’avancée du “cinéma du corps” (Deleuze) cher à Godard. Effectivement, le réalisateur offre ici au spectateur la faculté de voir en même temps, de façon dissociée, devant ET derrière lui, tel un caméléon.

Et pour les plans du chien?
Voir la citation de Bazin plus haut…
Selon moi, Godard nous montre (de façon très artistique) que si on reproduit le monde à l’identique, si on se contente de filmer la nature, alors il n’y a plus d’artiste…
Et s’il n’y a plus d’artiste, adieu au langage…

Bref, et si l’Utopia investissait dans des équipements 3D?

Sébastien Boatto / Docteur Script