OSLO, 31 AOÛT

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Pour vous présenter ce film d'une sensibilité à fleur de peau, qui vient de remporter le Grand Prix du Jury (présidé par Christophe Honoré) et le Prix d'Interprétation Masculine (mérité) pour Anders Danielsen Lie au dernier Festival Premiers Plans d'Angers, et pour vous faire patienter jusqu'à sa sortie en salle le 29 Février prochain, voici une interview de son réalisateur, le prometteur Joachim Trier...



OSLO, 31 AOÛT est adapté du roman « Feu follet », écrit par Pierre Drieu la Rochelle en 1931. Aujourd’hui, c’est encore un sujet d’actualité. Peut-on le résumer comme l’histoire d’un homme qui perd foi en lui-même ?

Oui, et c’est justement l’intemporalité de cette histoire qui m’a séduit. C’est l’essence même de l’art de traiter d’un sujet qui résonnera à travers toutes les époques. Les thèmes du roman sont toujours pertinents et contemporains. Néanmoins, c’est difficile d’en parler sans paraître morbide : si on résume l’histoire à la journée d’un ex-toxicomane qui sort d’un centre de désintoxication et qui va peut-être se suicider, c’est déprimant. Je suis davantage intéressé par la métaphore sur la solitude, qui nous concerne tous. Beaucoup de gens ont fait l’expérience de la solitude, du sentiment d’être perdu, par exemple après un chagrin d’amour, une crise professionnelle, la perte de quelqu’un. On se sent alors vulnérable et on est confronté à des interrogations existentielles. L’autre thème du roman est le courage. Il parle d’intégrité dans le questionnement de soi. Par exemple, l’un de mes passages préférés est celui où l’un des personnages qui vit tranquillement avec sa petite amie reçoit la visite d’un ami en détresse. Comment est-ce que cela affecte le quotidien, l’amitié et la famille ? Jusqu’où peut-on aller pour sauver un proche qui s’autodétruit ?


Votre film dépeint vingt-quatre heures de la vie du personnage principal. Cela représentait-il un défi narratif ? 

Le roman se déroulait sur une durée un peu plus longue mais cela restait une histoire courte. J’ai voulu que le film ressemble à l’odyssée d’un jour, ce qui évite ainsi de présenter tous les personnages qu’Anders aurait pu croiser, comme ses parents ou même son ancienne petite amie. Il se pose des questions spécifiques sur sa vie qui ne se résolvent pas facilement et mon but était de montrer, en une journée, la possibilité de reconstruire une vie.


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Quelle vision aviez-vous du Feu Follet, réalisé par Louis Malle ?

C’est un film qui m’avait beaucoup ému. Je l’ai vu assez tard dans ma vie, vers 33 ans, et il m’a sidéré : même si je ne suis pas dépendant à quoi que ce soit, le personnage a fait écho en moi, j’ai senti et compris son sentiment de solitude. J’ai toujours été curieux de voir comment le cinéma pouvait décrire la solitude, parce que c’est une forme d’art qui s’y prête parfaitement : le public est assis dans une salle, contraint de suivre le parcours d’un homme seul ; c’est une dynamique très particulière qui s’instaure, presque comme une thérapie. Le cinéma français a souvent évoqué la solitude : Bresson avec MOUCHETTE et PICKPOCKET, ou encore CLÉO DE 5 À 7, d’Agnès Varda, qui est l’un de mes films préférés.


Avez-vous pensé à des amis dont l’existence avait, elle aussi, évolué dans une direction inattendue ?

Beaucoup. NOUVELLE DONNE parlait des rêves d’avenir de jeunes de 23 ans. Dans OSLO, 31 AOÛT, il s’agit d’un trentenaire piégé dans une époque qui lui échappe et qui lui ferme ses portes. J’ai fait beaucoup de recherches sur les drogués et sur la manière dont ils tentaient de se réinsérer dans la vie. A ce moment-là, ils sont aussi vulnérables qu’un bébé : ils naissent une seconde fois à la vie, ils n’en comprennent pas le fonctionnement, sauf qu’ils sont adultes et n’ont pas l’excuse de la jeunesse. C’est une métaphore que j’ai aimé explorer.


La drogue est souvent abordée d’un point de vue sociologique, alors que dans votre film, l’approche est existentialiste.

C’est la quête identitaire, bien plus que les problèmes de drogues, qui m’a intéressé. J’en ai assez des clichés et des stéréotypes sur les toxicomanes, que l’on décrit uniquement du point de vue de leur condition sociale : c’est réducteur et irrespectueux, parce que ce n’est souvent qu’un prétexte à la critique sociale. en Norvège, l’addiction à la drogue comme la cocaïne et l’héroïne - contrairement à l’alcoolisme - est encore tabou, notamment chez les gens de la classe moyenne. La honte de soi est très forte et les cas de double vie courants. A travers mes recherches, j’ai souvent senti que les gens s’interrogeaient sur la différence entre ce qu’ils sont et ce qu’ils tentent d’être.


Est-ce aussi un film sur le libre-arbitre ?

Oui, parce que le choix entre la vie et la mort est fondamental. J’ai perdu des amis proches qui se sont suicidés, j’ai essayé d’en comprendre la raison alors que le processus est complexe, quasi-inexplicable. Lorsque vous racontez l’histoire de quelqu’un qui est suicidaire, vous ne pouvez vous empêcher de penser à « Les souffrances du jeune Werther » écrit par Goethe en 1774. C’est un livre qui fit fureur à une époque où le suicide était tabou et qui devint tout à coup « à la mode » pour de jeunes adolescents. Évidemment, je ne voulais pas faire du suicide un objet de fascination : c’est un film qui débat de la vie.


Quelle est la signification du titre du film ?

L’un de mes titres de films préférés est FIN AOÛT, DÉBUT SEPTEMBRE d’Olivier Assayas. En plus, le 31 août marque la fin de l’été en Norvège, les beaux jours sont finis, l’automne approche et puis c’est l’hiver, sombre et froid. Pour beaucoup de norvégiens, la question rituelle est : « Va-t-on pouvoir encore supporter un nouvel hiver ? » (rires). Plus simplement, le titre est une invitation claire lancée au spectateur : vous allez vivre une journée dans la vie du personnage.

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Quels sont les endroits d’Oslo que vous avez voulu filmer et ceux que vous avez laissés de côté ?

J’ai vécu à Londres pendant sept ans où j’ai étudié à la National Film and Television School. A un moment, j’ai pensé y rester pour faire des films internationaux. Mais j’ai trouvé qu’il y avait des histoires à raconter, spécifiques à Oslo. Peut- être était-ce un manque d’imagination (rires) ? NOUVELLE DONNE explorait déjà Oslo mais je voulais aller plus loin. Lorsque vous dépeignez un lieu, il y a un aspect sociologique lié au milieu dans lequel évolue le personnage et un aspect plus impressionniste, lié aux lumières de la ville, à sa nature et à son architecture. J’ai tourné le film en quarante-cinq jours et d’une façon spontanée : je voulais montrer les rues d’une manière émotionnelle et regarder ma ville de l’extérieur, comme un documentariste. Cette ville a beaucoup changé ces vingt dernières années : dans les années 70, la Norvège a découvert du pétrole et a connu un boom immobilier, notamment. Anders vient de la bourgeoisie intellectuelle, artistique, mais ce ne sont pas les membres de cette classe moyenne qui ont gagné de l’argent en Norvège. Lorsqu’il se promène dans Oslo, tout a été rénové, il y a eu de grands changements. Il y a aussi pas mal d’aspects de cette ville que je n’ai pas montrés : je me suis focalisé sur un environnement qui a un sens pour le personnage, sur la vie nocturne qui, elle, est devenue à la mode. Il y a un mélange de beauté et de noirceur dans la culture de cette ville, et c’est ce que j’ai voulu dépeindre.


L’environnement que vous montrez, notamment dans la journée, est plutôt porteur d’espoir pour Anders.

C’est juste, mais je définirais plutôt cette atmosphère comme mélancolique. Cela est dû à la lumière et au fait qu’Oslo est comme la banlieue de l’europe. Vous sentez que vous n’êtes pas au centre de l’Europe riche, même si Oslo est le cœur de la Norvège. J’ai beaucoup voyagé au cours de ma vie - à New York, à Londres etc... - et je trouve qu’Oslo est plutôt déserte, notamment dans l’après-midi. et puis, je ne voulais pas faire un film déprimant sur un personnage dépressif : j’ai cherché le contraste, notamment entre sa tragédie intime et la beauté, la vie qui palpitent autour de lui.


Est-ce que les événements du 22 juillet 2011, avec le carnage perpétré par un certain Anders, ont affecté votre film ?

Le film a été montré à Cannes avant que cette tragédie ne survienne. Lorsque le film est sorti en Norvège (NDLR : le film est sorti le 31 Août 2011), beaucoup de gens, notamment sur Internet, l’ont relié de manière étrange à ces événements, en parlant de deuil mélancolique. Certains l’ont ressenti comme une réponse à toute cette horreur, en estimant qu’il reflétait la beauté et la tranquillité d’Oslo. D’autres se sont sentis émotionnellement connectés au film, au regard des événements. Évidemment, rien de tout cela n’était intentionnel ou manipulateur, surtout cinq semaines après la tragédie. C’est délicat d’expliquer un contexte aussi complexe... Quant au prénom du meurtrier, il est très courant en Norvège, donc le parallèle n’a aucun sens ! Ce que j’observe depuis, c’est à quel point notre culture a été imprégnée par ce carnage : tout ce qui est montré, dit ou fait est relié à tout cela.


Il y a une longue scène où Anders discute avec son meilleur ami, Thomas, de leurs parcours et de leurs existences. Était-elle risquée en terme de dramaturgie ?

C’était un pari. Je voulais suivre mon instinct et c’est de manière impulsive que j’ai coécrit le scénario avec Eskil Vogt. dans beaucoup de films, le temps accordé à ce type de dialogues est restreint, voire invraisemblable : deux personnages se retrouvent dans un café et deux minutes plus tard, ils se disent « au revoir ». A travers cette scène, je voulais plus de profondeur, rester dans l’explicite pour qu’en émerge un sous-texte. Même lorsqu’on essaye de communiquer, le langage ne suffit pas toujours : c’est une tragédie inhérente aux relations humaines.


À travers le parcours d’Anders, on sent un combat contre la fatalité, ce qui crée chez le spectateur un sentiment immédiat d’empathie envers lui.

Le film pose effectivement la question du déterminisme. Je voulais justement que cette scène entre Thomas et Anders soit à la fois réaliste et stylisée. tout le monde peut s’y retrouver. J’ai perdu des amis, à cause de l’héroïne, et connu des gens qui y ont survécu, alors je m’interdis tout déterminisme. Il y a toujours de l’espoir, des portes ouvertes et des mains tendues. Par exemple, je connais quelqu’un qui a été junkie et qui est devenu père de famille, avec un boulot. Il a été déclaré mort deux fois mais il est toujours vivant. Anders n’est pas un personnage créé de toutes pièces, un caprice idiot de scénariste : il est vrai et il existe beaucoup de gens comme lui.


C’est aussi parce que vous faites d’Anders un personnage dont les doutes et le mal-être sont universels.

Le film n’a vraiment d’impact que si l’on « oublie » la toxicomanie d’Anders, comme l’alcoolisme de Maurice Ronet dans la version de Louis Malle. Pour moi, Anders est avant tout un homme aliéné et qui a perdu tout lien avec la société. C’est un solitaire avant d’être un drogué.


À l’opposé de la scène entre Thomas et Anders, il y a celle du restaurant où Anders est seul et où lui parviennent des bribes de conversation, des sons, des images d’autres vies...

Le cinéma est un terrain formidable pour illuminer le quotidien. Anders est à un moment crucial de sa journée et au lieu de le filmer simplement en train de boire un café, perdu dans ses pensées, je voulais qu’on sente la ville et la vie autour de lui. A travers son prisme, on entend des gens parler de bébés, d’amours, de choses ordinaires : c’est comme une scène expérimentale. Je ne voulais pas me contenter de décrire la douleur d’un personnage comme dans un drame psychologique classique, où l’on s’identifie seulement à une personne. Dans cette scène, j’ai cherché une dynamique entre Anders, les gens qui l’entourent et l’approche quasi documentaire de la ville.


Anders Danielsen Lie jouait déjà dans votre premier film, NOUVELLE DONNE. Est-ce votre Antoine Doinel, votre double ?

Il l’est peut-être devenu (rires). J’espère qu’il continuera à faire du cinéma, même s’il n’en a pas vraiment l’intention. A Cannes, je lui ai demandé s’il jouerait de nouveau avec moi dans les cinq ou dix prochaines années et lui m’a répondu « demande-le moi, en tous cas ! ». A mes yeux, c’est un homme de la renaissance : il en sait beaucoup sur l’art, la science, il a étudié le grec, sorti des albums en tant que compositeur, fait partie d’un quartet de jazz, il a sorti un livre sur les jeunes et la sexualité, il a joué dans des films, et il poursuit aujourd’hui une carrière de médecin. Où s’arrêtera-t-il ? C’est amusant parce qu’au cours de ses études de médecine, il a travaillé bénévolement dans une clinique qui s’occupait de répondre aux jeunes sur la question des MST. Après la sortie de NOUVELLE DONNE, il a été élu l'un des acteurs norvégiens les plus sexy dans un magazine : c’était devenu problématique lorsqu’il recevait des jeunes filles pour parler de sexualité (rires). Aujourd’hui, tout va mieux, il est généraliste.

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Pourquoi avoir donné aux personnages le même prénom que celui des acteurs ?

Au départ, c’était pour une question de rapidité de communication (rires). Cela semble un peu pervers, mais c’était plutôt pour garder un aspect documentaire et non pas symbolique ou allégorique. Ce n’est pas une démarche d’observateur naïf : je voulais provoquer les choses et les confronter à la réalité. Lorsque j’ai tourné dans la rue, je laissais les gens marcher et réagir spontanément, je voulais capter l’interaction entre Anders et les passants, l’environnement, la nature, l’architecture etc... et puis, pendant ces quatre mois de tournage, Anders Danielsen Lie s’est profondément identifié au personnage. Il s’est donné à ce rôle au point que sa vraie petite amie, celle qui joue Iselin dans le film, était contente que le tournage s’achève !


Avez-vous mélangé acteurs et non professionnels pour créer une sorte de confusion ?

Non, c’était pour la crédibilité des personnages. Le casting est primordial et j’adore cette étape du film : vous vous engagez avec des êtres humains, des personnalités, des énergies. Pour mes deux films, j’ai vu un millier de personnes ; il n’y a qu’Anders que je voulais depuis le départ puisque j’avais écrit le rôle pour lui. J’aime mélanger des acteurs de théâtre, des amateurs et des professionnels : l’important est d’être et d’écouter. Par exemple, pour le rôle de Thomas, j’ai choisi Hans Olav Brenner qui est un célèbre journaliste télé en Norvège et qui interviewe des auteurs du monde entier. Je me souviens d’un de ses entretiens avec Philip Roth où il avait lâché ses questions, écouté le romancier et mené l’interview dans la direction qu’il souhaitait. C’est le propre d’un acteur : mémoriser un texte et le jeter pour mieux le retrouver.


Robert Bresson, que vous admirez beaucoup, a lui aussi fait appel à des acteurs non professionnels.

Je suis tombé amoureux de son cinéma quand j’étais jeune. son style peut être à la fois populaire, kitsch, beau et ascétique. en littérature comme en peinture, il existe une longue tradition de classicisme, alors que notre cinéma a commencé par baigner dans une culture pop très forte. Il a fallu se battre et chercher pour trouver cette pureté formelle. Je suis ambivalent sur le sujet : d’un côté, j’aime le côté spectaculaire et sexy du cinéma et de l’autre, je reste attaché à une approche puriste. C’est à travers Tarkovski que j’ai appris à comprendre Bresson : la première fois que j’ai vu STALKER, j’ai été envoûté par le jeu sur l’espace et l’imaginaire.


Quelle a été la réaction du public, lors de la présentation du film en 2011 à Cannes, dans la section « Un Certain Regard » ?

J’ai été soulagé que la plupart des spectateurs, de différents pays, reçoivent le film à travers le prisme de leur vie privée. C’est aussi de manière intime que j’ai abordé ce sujet. Voir autant de personnes s’approprier le film, sans forcément être concernées par la drogue, m’a beaucoup touché. Je me suis aussi rendu compte que les gens continuaient à parler du film, bien après la projection officielle. C’est le plus beau des compliments qu’on puisse me faire. Je veux que les gens aillent voir le film sans préjugés, puissent s’identifier à tel caractère et que ceux qui ont vécu l’addiction ou la dépression, en sortent moins honteux. Même si, encore une fois, le sujet principal n’est pas la drogue ou la dépression.


Est-ce que, dans votre esprit, OLSO, 31 AOÛT s’adresse davantage aux sens qu’à l’intellect ?

C’est difficile de répondre à cela. dans un monde idéal, je voudrais que ce film soit une expérience sensorielle mais d’un autre côté, j’espère qu’il va susciter une réflexion. En fait, je ne peux pas séparer ces deux aspects. J’ai grandi avec les films de Tarkovski, de Terrence Malick, alors filmer le vent qui agite les arbres me plait beaucoup (rires). si j’ai réussi à faire le film dont je rêvais, l’émotionnel et le sensoriel rejoignent l’intellectuel. Je crois vraiment dans le potentiel qu’a le cinéma de montrer les pensées d’un personnage à travers sa perception des choses. Observer l’être humain est passionnant ; c’est en tous cas mon plaisir de cinéaste.


Peut-on aussi considérer votre film comme un « drame à suspense », voire un « thriller psychologique » ?

Absolument. J’adore créer la dramaturgie dans le cinéma et l’interrogation - plus que le suspense - quant au devenir d’Anders est fondamentale. Anders est un personnage romantique au sens classique du terme : il croit avoir le libre- arbitre et le contrôle de lui-même. A mes yeux, il a un sens intègre de l’autodestruction. et cette intégrité le pousse à un choix final qui est logique. Lorsque vous avez 25 ans, vous avez des idées radicales et des avis tranchés, critiques sur la vie et les autres. Avec quelques années de plus, la plupart des gens font des compromis et quelques-uns restent fidèles à leurs convictions d’antan, quitte à paraître stupides ou décalés. C’est admirable, si l’on se place d’un point de vue très sombre. Anders est un idéaliste, à sa façon.


Votre amour de la culture française est impressionnant !

Tout est venu de l’un de mes meilleurs amis, qui est ensuite parti étudier la réalisation à la Fémis. Lorsque nous avions 19 ans, nous étions tous deux en rébellion et nous nous créions notre propre contre-culture, en lisant « Amérique » de Baudrillard, Deleuze, Barthes, Derrida, qui avaient une approche radicale de la réalité. Je ne me prends pas pour un expert, car je n’ai jamais étudié la littérature française et j’ai très vite quitté l’université pour m’inscrire dans une école de cinéma. C’est une question de passion et de curiosité. La culture française est, à mes yeux, très dynamique, liant très souvent la littérature à la vie, de Stendhal au Nouveau roman. C’est très sexy, jamais aride : regardez comment Godard a combiné l’intellectualisme et les belles femmes ! Je n’ai jamais appris le français, quel idiot (rires).


Où est donc passée la nouvelle génération de cinéastes norvégiens ?

Je n’en ai aucune idée ! Beaucoup de films sont tournés mais ne voyagent pas. Les réalisateurs avec lesquels je suis le plus en contact sont suédois, comme Ruben Östlund qui a réalisé PLAY et HAPPY SWEDEN, ou encore Jesper Ganslandt, qui a fait ADIEU FALKENBERG. Il y a néanmoins de grandes possibilités de financement et de liberté artistique en Norvège. Je suis optimiste pour les dix ans à venir.


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Est-ce que vous avez déjà été approché par Hollywood ?

Après NOUVELLE DONNE, j’ai reçu près de soixante-dix scénarios mais j’ai senti que j’avais besoin de projets personnels : jouer avec le matériel de quelqu’un d’autre ne me convient pas, même si c’est pour devenir plus célèbre ou gagner plus d’argent. en ce moment, je peux encore tourner en Norvège donc j’en profite. Je suis fan d’Arnaud Desplechin, qui m’a envoyé un long mail pour me parler de NOUVELLE DONNE, qu’il aimait beaucoup. Il m’a dit aussi : « Faites attention à hollywood. Vous risquez de passer beaucoup de temps à développer des projets qui n’aboutiront peut-être pas ». J’ai fini par écrire un film américain personnel, pour l’heure produit par des indépendants. On verra ce qui se passera, mais je veux rester fidèle à ce que j’aime faire.


Si vous aviez une addiction, ce serait... ?

Le cinéma ! si j’ai des soucis dans ma vie, je travaille. Ça m’a souvent permis d’avancer, c’est une forme de catharsis.


Propos recueillis par Christine Masson