"Sans revenu, point citoyen"

Edito gazette n°235 Stimulante n'est-il pas, cette campagne électorale ? Stimulante et surprenante, tellement il était impossible d'imaginer qu'un jour il reviendrait à la gauche l'idée pour le moins improbable de redevenir la gauche. Ben oui ! Pincez vous vieux crabe, dans un espace de plus en plus riquiqui confisqué depuis des lustres par la déprimante boutique valsiste, éclosent comme bourgeons au printemps propositions et idées neuves, ponctuées même d'accents lyriques hugoliens qui, oh stupeur ! sonnent juste, sonnent fort... Et tant pis si, parfois, la couverture à soi est tirée. Mieux vaut, après tout, l'esprit de chapelle que l'esprit de boutique. En effet, du revenu de base de l'un au feu d'artifice culturel de l'autre, on admettra que l'important est de pouvoir respirer à nouveau une atmosphère débarrassée des miasmes des petites cuisines néolibérales... Hier, alors qu'on s'activait sur le bouclage de la gazette que vous tenez entre vos mains, c'est Mélenchon qui donnait un spectacle nourri, lyrique et littéraire, et ce jour c'est Hamon qui remet la gomme devant un Bercy bourré à craquer... Mais comment voulez vous donc qu'on se concentre alors que ces appels du large donnent envie de bondir dehors, de saisir à plein bras cette occasion rêvée de sortir de la mélasse des affaires sordides, des trafics d'influence des uns, des aigreurs affligeantes des autres ? Ce printemps en serait-il donc bien un ? Entre deux pâquerettes et trois violettes, l'espoir d'un monde bienveillant, d'un futur désirable serait-il en train de germer ? Allez savoir ! On l'avait déjà évoqué dans le dernier édito, mais plus on en cause et plus on trouve de bonnes raisons de se pencher sur la question du Revenu Universel d'Existence : on ne cesse de croiser des spectateurs qui s'interrogent, nous interpellent et l'idée suit son chemin. De ceux qui ont un minimum vieillesse insuffisant pour survivre à ceux qui, pour vivre décemment avec le RSA, n'ont d'autre solution que de le compléter par un travail « au noir », en passant par les handicapés dont la pension est réduite quand ils se mettent en couple avec quelqu'un qui gagne à peine plus que le SMIC, aux jeunots obligés de travailler pour financer leurs études, sans compter tous ceux qui font des boulots sous-payés dans des conditions de plus en plus aliénantes, sans oublier ceux qui bossent pour l'intérêt collectif sans pouvoir dégager un salaire décent (30% des agriculteurs imposés au régime réel ont des revenus équivalents à 354 euros/mois et en 2016 le taux de suicides dans leurs rangs a triplé)... On finit par se demander si justement une telle mesure ne serait pas un moyen de clarifier bien des situations, de simplifier des mécanismes coûteux, alambiqués et injustes et, tandis que le travail est de moins en moins bien considéré, peut-être tient on là l'occasion de redonner au travail sa valeur créatrice, sens et motivation indispensable pour se réaliser pleinement et, pour certains, échapper au désespoir... On ne va pas en débattre là, d'autant que ce n'est pas une recette miracle, un gadget de campagne qui se résume en un slogan, mais quelque chose de complexe à mettre en place, à concerter pour élaborer, fatalement à tâtons, la bonne formule : on se doute qu'entre la conception de Thomas Paine, celle de Marx et celle libérale de Milton Friedman, de Madelin... il y a des incompatibilités fondamentales aussi bien dans les intentions que dans le montant et la méthode. Le conseil départemental de Gironde l'a mis récemment à son ordre du jour en proposant une expérimentation locale. Autant dire que l'opposition s'en est étranglée, FN en tête, et les débats ont été houleux. Néanmoins l'assemblée a approuvé à la majorité la motion demandant au gouvernement de lui permettre de lancer cette expérimentation qui mettrait le territoire girondin à l'avant garde de la réflexion... Tout va dépendre du futur gouvernement (et de ceux qui tirent profit du statu quo ?)... On prévoit d'organiser plusieurs débats bien au delà des élections et pour commencer on en causera ce 5 Avril avec François Simon après le film Corporate * Thomas Payne en 1792.