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LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
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Justine Triet parle d’or
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Rosmerta continue ! Vous connaissez l’histoire ? 
Depuis les débuts, et même avant, Utopia Avignon suit l’histoire de près ! Ça fait presque cinq ans qu’on vous en parle dans nos gazettes, à chaque rebondissement. Ce qu’il s’est passé depuis 2018 : réquisition citoyenne d’une école vétuste appartenant au diocèse, procès et appel...

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TITANE

Écrit et réalisé par Julia DUCOURNAU - France 2021 1h48 - avec Agathe Rousselle, Vincent Lindon, Garance Marillier, Laïs Salameh... PALME D’OR, FESTIVAL DE CANNES 2021. Interdit aux moins de 16 ans, déconseillé aux âmes sensibles.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

TITANEAvec Titane, Julia Ducournau signe un film de genre et transgenre en trois tableaux, que son personnage de guerrière mutante, Alexia/Adrien (Agathe Rousselle), traverse comme l’on fuit les flammes de l’incendie, pour sauver sa peau, du moins ce qui reste d’une vie fracassée depuis l’enfance.
Palme d’Or du récent Festival de Cannes, ce deuxième long-métrage confirme l’immense talent de la réalisatrice, après le choc suscité par son premier long métrage, Grave, sur une étudiante en médecine (Garance Marillier) tentée par l’anthropophagie. Julia Ducournau travaille à nouveau la question de la chair, dans une autre perspective, plus philosophique, connectée aux mutations du corps et à la filiation.

Après un violent accident de voiture avec son père (Bertrand Bonello), Alexia survit grâce à une prothèse incrustée au-dessus de l’oreille, contenant du titane – un métal résistant aux hautes températures. On découvre cette beauté androgyne dans un Salon de l’automobile à l’atmosphère lynchienne, où le fantasme sexuel bat son plein – bien avant l’ère #metoo, une publicité pour une voiture n’avait-elle pas osé le slogan « Il a la voiture, il aura la femme » ? Voici donc un capot lavé avec soin par une paire de seins mousseux et, quelques berlines plus loin, Agathe en résille déclarant sa flamme à une Buick, la caméra au plus près de ses reins.
Ne hurlons pas trop vite, Julia Decournau pousse les clichés à l’extrême – on pense aux filles « bien carrossées » – pour les dégonfler aussitôt. Il n’y a pas d’un côté les victimes, de l’autre les profiteurs. La performance érotique est un travail et les filles ne sont pas pour autant des proies faciles. Alexia liquide un « client » qui s’approche un peu trop. Love is a Dog from Hell(« l’amour est un chien venu de l’enfer »), est-il tatoué sur sa poitrine.
… Le premier meurtre en déclenche de nouveaux, les tueries deviennent joyeuses et sauvages comme dans le bouquet final de Parasite, de Bong Joon-ho. Recherchée par la police, Alexia s’enfuit et se métamorphose en garçon, remodelant son visage comme un sculpteur le ferait à coups de burin… En le voyant, Vincent (Vincent Lindon), pompier de profession, pense avoir retrouvé son fils disparu il y a dix ans, et Alexia devient Adrien.

Julia Ducournau filme une créature à la limite de l’humanité, lui ôte à peu près tout langage si ce n’est celui des yeux, lesquels retrouvent l’expressivité du muet. Et ce nouveau visage du cinéma, doux et abrupt, qu’elle se plaît à filmer sous des angles et des lumières changeants, rend le personnage plus insaisissable encore. Après l’érotisme, puis la violence des actes, vient le temps de l’apprivoisement entre deux personnages, Vincent et Adrien, dans l’atmosphère « viriliste » de la caserne – Vincent Lindon au sommet de la gonflette, le corps rougi, filmé comme un bœuf…
Julia Ducournau emmène très loin ses acteurs : rarement une caméra aura scruté les corps d’aussi près – Lindon se faisant des piqûres cul nu – sans jamais paraître voyeuse. La carnation d’Adrien/Alexia est filmée comme un paysage dévasté, à force de contentions, d’irritations. L’héroïne est devenue garçon par nécessité, non par envie.
En apparence délesté du thème de la transition, du féminin au masculin, le film ne s’attarde pas moins sur les souffrances infligées à un corps contraint, soustrait au regard des autres. Voici la peau à sang, les veines apparentes, les crevasses sur ce ventre qui ne cesse de s’arrondir… Voici l’homme enceint, déjà imaginé par Jacques Demy dans L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la lune (1973), avec Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve, et réinventé dans Titane, film d’un nouveau genre. D’« épouventre ».

(C. Fabre, Le Monde)