UTOPIA SAINTE BERNADETTE
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SÉANCES BÉBÉS
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30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de la...

À LA VIE À LA MORT
Quelle joie de se retrouver sous les étoiles hier à Berat, en Haute-Garonne!Expo, rencontre et ciné avec Nevada. Quel bonheur.Déjà 200 personnes pour les prémisses d’un nouveau lieu vivant et pluridisciplinaire co animé par les habitants. Ce sont les premières festivités de l’été d’Utopia et du ...

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ORANGES SANGUINES

Jean-Christophe MEURISSE - France 2021 1h42mn - avec Alexandre Steiger, Christophe Paou, Lilith Grasmug, Lorella Cravotta, Olivier Saladin, Fred Blin, Denis Podalydès, Blanche Gardin, Patrice Laffont… et des membres de la troupe des Chiens de Navarre... Scénario de Jean-Christophe Meurisse, avec la collaboration d’Amélie Philippe et Yohann Gloaguen.
Interdit aux moins de 12 ans

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

ORANGES SANGUINES« Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »  Antonio Gramsci

Ça se passe en France, exactement dans le même décor que celui de votre vie et de la mienne. Dans ce décor, chacun rempli poliment son rôle social : le ministre de l’économie et des finances est accusé de lamentables fraudes fiscales, les retraités de la classe moyenne se prennent dans les dents la réforme des retraites et croulent sous les dettes, les banquiers sont des pions, les jeunes filles sont si vulnérables qu’elles se font séquestrer par des détraqués et le rêve d’ascension sociale tant convoité se vit au quotidien comme un cauchemar par le transfuge de classe. Et pourtant, miracle, dans Oranges sanguines, on se marre !



On se marre parce qu’à partir de scènes réalistes et crédibles, Jean-Christophe Meurisse et sa troupe finissent par tordre le cou au réel en opérant à des décalages et des aberrations. De ces distorsions bien sûr on ne vous dira rien, ce serait gâcher ! Ce qu’on peut vous dire, c’est qu’il en coule un jus sanguinolent et parfois sanguinaire, un peu crado ou vivifiant, c’est selon. Et ce sont de ces mêmes distorsions qu’émanent la jubilation et le rire. Un rire gras et sauvage, pas très aimable ni glorieux. Il y a quelque chose de contradictoirement caustique et espiègle chez Meurisse et les Chiens de Navarre, d’à la fois enfantin, régressif et corrosif. Sans doute l’énergie unique de l’improvisation chère aux comédiens et à leur metteur en scène y est pour quelque chose, et la formule « jeu d’acteurs » prend ici tout son sens : c’est leur plaisir à pousser les situations jusqu’à l’indécence qui vient nous faire grincer des dents, provoquer grimace, rire et inconfort. Le film d’ailleurs ne prétend pas à plus que ça, il ne milite pas pour le grand soir. Son seul credo est bel et bien le rire.
Il y a à cet égard une scène emblématique, la plus profonde sans doute : accablée par le poids et les forces d’oppressions institutionnelles du système judiciaire, l’adolescente se voit comprimée et réduite par la société entière à son rôle de victime. Sauf que notre jeune femme identifie clairement la coercition et déplore à chaudes larmes le fonctionnement de la justice des hommes (c’est à cet endroit entre autres que le vieux monde se meurt). Et de même qu’elle a le courage d’en être douloureusement affectée, elle assume pleinement son agressivité et sa cruauté comme réponse à la domination ; mieux encore, quand elle évoque ses gestes outranciers elle éclate de rire ! D’un rire incontrôlable, indomptable, qui met miraculeusement fin à son abattement : car dans cet éclat, c’est aussi son rôle social de victime qui éclate, qui, en un éclair, devient caduc.

Il y a une filiation directe avec le mouvement dada, et une revendication du droit à la vulgarité et à l’idiotie chères à Jean-Yves Jouannais (l’idiotie désignant dans son acception étymologique le simple, l’unique et le singulier). Plus généralement, ici l’art n’est pas sérieux, pas poli, et on ne cherche ni le beau ni le bien. Le film appuie fort à certains endroits et assume pleinement d’être clivant. Mais ça tombe bien, ça fait partie du projet du réalisateur : « L’art doit diviser. S’il divise, il y a débat et s’il y a débat, il y a vitalité ». Alors pour certains on dédaignera, pour d’autres on s’esclaffera. Jean-Christophe Meurisse et Les Chiens de Navarre, eux, ont pris le parti de rire de tout et ça nous va. Car comme le disait Didier Super, un autre idiot du village : mieux vaut en rire que s’en foutre.