DERNIER NOËL AVANT LA FIN D’UN MONDE
Le croiriez-vous ? La bonne nouvelle – car il y en a une – est arrivée le 9 novembre dernier du Conseil d’État, qui a annulé le décret de dissolution du mouvement des Soulèvements de la terre. Pris en Conseil des ministres fin juin, le décret suivait de peu la tentative de requalification – ou ...
La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...
LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...
Justine Triet parle d’or
Il aura donc suffi de quelques mots, à peine, pour que la Ministre de la Culture, celui de l’Industrie, quelques maires et députés de la majorité, volent dans les plumes et la palme de Justine Triet, réalisatrice couronnée d’Anatomie d’une chute, sermonnant en substance : « ce n’est pas bi...
Écrit et réalisé par Charline BOURGEOIS-TACQUET - France 2021 1h38 - avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydès, Jean-Charles Clichet...
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Dans Les Amours d’Anaïs, ça va vite, ça va très vite ! Et pour cause : on suit Anaïs (la décidément formidable Anaïs Demoustier) dans ses pérégrinations amoureuses qui, en à peine plus de temps qu’il ne faut pour l’écrire, la voient quitter son amoureux, devenir l’amante d’un éditeur quinquagénaire (le sex-symbol Denis Podalydès), et finalement tomber amoureuse d’Emilie, sa femme, une écrivaine accomplie. Ce n’est pas de l’inconséquence, du consumérisme ou de la stratégie, Anaïs ne connaît ni le cynisme ni l’ironie. C’est plutôt qu’elle embrasse la vie comme elle vient et qu’elle ne saurait faire autrement : Anaïs parle à 1000 à l’heure, monte les marches quatre à quatre et virevolte où qu’elle soit. Elle est volubile, exubérante, entière. Si sa logorrhée donne matière à la comédie, son éloquence est par ailleurs sa plus grande alliée dans la vie : passionnée par la littérature (elle écrit une thèse en lettres classiques qu’elle peine à terminer), elle manie la langue avec autant de vélocité que d’habileté, ce qui lui permet tour à tour de tout dire, de tout oser et, même en déséquilibre, de retomber sur ses pattes.
C’est d’ailleurs du verbe que provient toute l’énergie du film, c’est lui le moteur, et c’est lui qui ordonne le mouvement des corps, et donc la mise en scène. Le véritable sujet du film n’est pas la question du couple (ou du trio amoureux), ni celle de l’homosexualité ou de l’écart d’âge mais celle du désir. De cet élan qui nous met en mouvement, qui nous fait faire les choses qu’on fait.
Car aussi cérébrale et intellectuelle soit-elle, Anaïs se laisse paradoxalement totalement déborder par le sentiment amoureux. Éblouie par le charme et par la force tranquille d’Emilie (et comment ne pas l’être, Valeria Bruni Tedeschi est absolument magnifique), elle fera tout pour conquérir celle dont elle admire les mots et le charisme.
Si, dans un premier temps, la rencontre avec Emilie fait glisser la comédie vers de savoureuses scènes de vaudeville, la deuxième partie, consacrée à leur relation, se fait bien moins légère. Plus calme et plus grave : les personnages y affrontent leurs sentiments. Par ailleurs la réalisatrice y convoque des figures féminines puissantes, dessinant toute une généalogie d’artistes femmes dont elle et ses personnages partagent l’héritage. En prime se dessine également une constellation de leurs œuvres, lesquelles à l’évidence les nourrissent. « C’est bien, tu vas rencontrer plein de gens intéressants » s’enthousiasme la mère d’Anaïs apprenant que sa fille fréquente le milieu de l’édition parisienne. Et Anaïs de lui rétorquer avec fermeté et assurance : « je ne veux pas rencontrer des gens intéressants, je veux être quelqu’un d’intéressant. »
La saveur toute particulière de cette comédie pétillante et réjouissante tient autant de l’exagération des situations que son héroïne provoque que du sérieux avec lequel est traitée la question de l’amour (ou plus précisément du ravissement).
Pour ne rien gâcher, le film est doucement sensuel : il se passe indéniablement quelque chose entre les deux comédiennes… l’alchimie est palpable.
Par ailleurs la réalisatrice amène l’air de rien son humble pierre à l’édifice du combat des représentations et on l’en remercie : proposer un personnage féminin de plus de cinquante ans qui n’envie rien (et n’a rien à envier) à une jeunesse aussi belle et vive que celle d’Anaïs est suffisamment rare pour qu’on en parle ! Accomplie dans son travail créatif, libre, confiante, sereine et canon, Emilie jouit pleinement de la force de l’âge : « J’ai 56 ans tu sais, plus grand-chose ne me fait peur. » La lumière qui éclaire Valeria Bruni Tedeschi dans le film est d’ailleurs sans complaisance, on y lit ses rides, ses cernes, sa force : ouf, enfin !