La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...
LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...
Rosmerta continue ! Vous connaissez l’histoire ?
Depuis les débuts, et même avant, Utopia Avignon suit l’histoire de près ! Ça fait presque cinq ans qu’on vous en parle dans nos gazettes, à chaque rebondissement. Ce qu’il s’est passé depuis 2018 : réquisition citoyenne d’une école vétuste appartenant au diocèse, procès et appel...
La Ménardière : un habitat partagé en construction…
À Bérat, à mi-chemin entre l’Ariège et Toulouse, la Ménardière est un beau domaine aux multiples possibilités. Acquis en 2019 par une douzaine de personnes au bord de la retraite qui refusaient le destin peu folichon, que nos sociétés réservent à leurs vieux : ni solution privée au coût e...
Écrit et réalisé par Ramata-Toulaye SY - Sénégal 2023 1h27 VOSTF - avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy, Moussa Sow...
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Autant lui est calme, réfléchi, posé, autant elle est fière, instinctive et passionnée. Banel est mariée à Adama et – ce n’est pas si fréquent – ces deux-là s’aiment passionnément, d’un amour réciproque, solide, constant, fougueux. Et ils s’aiment depuis bien, bien longtemps. Depuis bien avant qu’ils aient le droit de vivre cet amour. Conséquence des petits arrangements entre familles, Banel avait d’abord été donnée en mariage au frère d’Adama. Au grand désespoir de nos deux héros, dont les amours contrariées, interdites, ne s’étaient pas éteintes pour autant. À peine mises en veilleuse. Mais le destin a de ces revers inattendus : le mari est mort prématurément et la sacro-sainte tradition du village (cette satanée tradition qui ne semble habituellement édictée que pour contrarier les légitimes aspirations de chacun) a fait de Banel la légitime épouse d’Adama, premier héritier de son frère.
Tout irait pour le mieux sans ce soleil de plomb qui écrase de chaleur ce petit village du nord du Sénégal, à mille milles de la ville et du monde moderne. Tout irait pour le mieux si Banel et Adama, comme c’est l’usage, concrétisaient enfin leur union et prolongeaient la lignée des deux familles en donnant naissance à une ribambelle de bambins. Et tout irait sûrement beaucoup mieux si Adama, ultime rejeton d’une lignée de chefs, acceptait enfin la responsabilité de présider aux destinées du village. Mais voilà : Banel ne veut pas d’enfant et son ventre reste désespérément plat, la sagesse d’Adama le tient à l’écart des tracas de la chefferie – et la saison des pluies n’en finit pas de ne pas advenir, le soleil, la chaleur et le sable menaçant à très court terme de décimer la petite communauté.
C’est un pur et simple bonheur que de retrouver dans ce premier film de la réalisatrice sénégalaise Ramata-Toulaye Sy à la fois la beauté formelle et la finesse de description des micro-sociétés traditionnelles, qui liaient jusqu’à l’orée des années 2000 tout un pan du cinéma subsaharien. On pense en particulier aux films du malien Souleymane Cissé (prix du Jury en 1987 pour Yeelen) qui, heureux hasard des calendriers et des sélections, était honoré pour l’ensemble de sa carrière en ouverture de ce même festival de Cannes 2023 où était présenté en compétition ce splendide Banel & Adama. On retrouve chez la jeune cinéaste cette même attention portée aux personnes marginalisées, exclues, contrariées dans leurs aspirations individuelles, en butte aux lois, aux traditions, bref à tous les carcans immuables que leur oppose la société. Insensiblement, tandis que le personnage de Banel se complexifie, la chronique villageoise naturaliste que filme Ramata-Toulaye Sy s’assombrit, glisse par petites touches vers le conte et la tragédie. Car rien n’importe tant à Banel que de vivre, seule, avec son amoureux. Refus d’enfanter, refus de se plier aux injonctions familiales, de sacrifier son bonheur à l’avenir de la communauté, volonté farouche d’extraire son couple des frontières étouffantes du village, l’obstination de la jeune femme qui se veut puissante, entière, violente au besoin, l’amène à défier la morale et la raison, au mépris des « forces invisibles » qui régissent malgré tout, toujours, son univers. Avec une rare puissance d’évocation, le film épouse étroitement, physiquement, le point de vue de son héroïne de tragédie antique, parfois vacillante, tenue debout contre tous, vents et sécheresse, par la force de sa certitude. Au firmament des amours tragiques, pas très loin des constellations de Juliette et Roméo, d’Yseult et Tristan, de Didon et Énée, brillent pour l’éternité les étoiles de Banel et Adama.