La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...
LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...
Justine Triet parle d’or
Il aura donc suffi de quelques mots, à peine, pour que la Ministre de la Culture, celui de l’Industrie, quelques maires et députés de la majorité, volent dans les plumes et la palme de Justine Triet, réalisatrice couronnée d’Anatomie d’une chute, sermonnant en substance : « ce n’est pas bi...
Rosmerta continue ! Vous connaissez l’histoire ?
Depuis les débuts, et même avant, Utopia Avignon suit l’histoire de près ! Ça fait presque cinq ans qu’on vous en parle dans nos gazettes, à chaque rebondissement. Ce qu’il s’est passé depuis 2018 : réquisition citoyenne d’une école vétuste appartenant au diocèse, procès et appel...
Écrit et réalisé par Radu JUDE - Roumanie 2023 2h43 VOSTF - avec Ilinca Manolache, Ovidiu Pîrșan, Nina Hoss, Dorina Lazar...
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Rarement, on aura vu un film aussi explosif, provocateur en même temps que furieusement drôle et malin. N’attendez pas trop de la fin du monde est un portrait satirique de la Roumanie contemporaine, comme écrit sur du papier de verre. Ça racle, ça invective, ça interpelle… Le noyau hautement inflammable du film, c’est Angela, véritable électron libre, qui travaille comme assistante de production dans une société audiovisuelle. Le film l’accompagne dans Bucarest du matin au soir. La force du cinéma de l’iconoclaste Radu Jude : par des matériaux filmiques divers et des effets de rapprochements inattendus, provoquer une réflexion profonde sur l’évolution de son pays, encore sous la dictature il y a trente ans et pris dans le tourbillon du libéralisme depuis. Il en résulte une drôle de société où l’agressivité et l’individualisme s’expriment sans retenue. Une brutalité qu’Angela retourne à la face du système avec tout autant de frontalité et par tous les moyens disponibles : gestes, paroles, pensées… La prestation d’Ilinca Manolache, qui incarne Angela, ne tient plus de l’interprétation mais de la performance dans ce film résolument punk et totalement jubilatoire !
Ça démarre au quart de tour. Le réveil sonne et la minute d’après, Angela, cheveux teints en blond, enfile culotte, baskets et robe à paillettes. Le tout en lâchant une bordée d’injures. Prête ! En voiture. Sa mission de la journée : recueillir les témoignages d’accidentés du travail afin de sélectionner ceux qui apparaîtront dans un spot commandé par une multinationale allemande fabriquant des machines industrielles. Soi-disant pour sensibiliser à la sécurité au travail. Ça sent l’hypocrisie à plein nez, Angela n’est dupe de rien. On passe donc un certain temps sur le siège passager à se rendre dans les quartiers populaires de Bucarest. Les routes sont un véritable concentré de misogynie et d’agressivité. Au volant, la radio à fond, Angela ne se laisse jamais faire, répond absolument à toutes les attaques, profère une quantité astronomique d’insultes tout en téléphonant pour gérer ses problèmes de boulot quotidien. Et puis, passées ces traversées chaotiques, Angela rentre dans les appartements, accède à l’intimité des gens qui lui déroulent modestement leurs histoires, le récit de leur accident et comment ils essaient de s’en sortir depuis. Soudain, elle se met à l’écoute. Sans angélisme et avec ce qu’il faut d’empathie, elle filme, questionne, bavarde un peu, puis repart.
En parallèle, on découvre rapidement la lubie d’Angela : poster sur les réseaux sociaux de courtes vidéos où, grâce à un filtre, elle se filme en homme crâne rasé, barbichette et gros sourcils, parangon de la masculinité toxique, débitant les pires insanités sur ce qu’elle croise, avec une vulgarité hors catégorie. Ces vidéos, summum du mauvais goût, agissent comme autant de petits commentaires politiques aussi savoureux qu’acides de la réalité vécue par Angela. Elles sont aussi un des biais par lesquels Radu Jude construit une réflexion ultra – pertinente sur les systèmes de représentation par l’image. À ce titre, le film est ponctué d’extraits d’un film en couleurs de 1981 de Lucian Bratu qui suit une femme chauffeur de taxi, également prénommée Angela, et ses rencontres quotidiennes dans le Bucarest de Ceausescu. Effet de miroir saisissant qui donne une profondeur étonnante aux images en noir et blanc des déambulations de l’Angela « actuelle ». À l’autre bout du spectre, la fin du film change une nouvelle fois de peau dans un génial plan-séquence qui décortique la façon dont l’esthétique publicitaire parvient à tout vider de sens, évidemment au détriment de la vérité et de la représentation des victimes. Avec la satire comme principe et le dépiautage des systèmes de représentation comme moyen, N’attendez pas trop de la fin du monde est une farce décapante sur la grossièreté du capitalisme, une fulgurante pépite, tranchante comme une lame.