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Dernière du film présentée par Jacques PARSI, collaborateur artistique de Manoel de Oliveira, vendredi 6 septembre à 18h30.
Ce ne sera pas pour inaugurer la salle, puisque les travaux sont déplacé à une date ultérieure mais on trinquera quand même tous ensemble à l'issue de la séance.
(VALE ABRAÃO) Écrit et réalisé par Manoel de OLIVEIRA - Portugal 1993 3h23 VOSTF - avec Leonor Silveira, Luis Miguel Cintra, Cécile Sanz de Alba, João Perry, Diogo Dória, Luís Lima Barreto... Scénario de Manoel de Oliveria, d’après le roman Vale Abraão d’Agustina Bessa-Luis. Version restaurée 4 K.
Vu la durée du film, le tarif de la 1re séance à 5€ ne sera pas appliqué.
(ATTENTION ! Cette page est une archive !)
Tant de beauté, de style et de grâce font de Val Abraham une œuvre à nulle autre pareille. Film-fleuve situé à l’embouchure du Douro, cette transposition du Madame Bovary de Flaubert dans le Portugal contemporain est le portrait – intemporel et d’une modernité absolue – d’une femme prénommée Ema, entre ses quatorze et trente-cinq ans, à la poursuite d’un idéal d’amour. Écartant l’idée d’une adaptation et d’une reconstitution classiques, Manoel de Oliveira s’est inspiré de la version moderne écrite par la romancière Agustina Bessa-Luis dans son roman Vale Abraão… que le cinéaste s’empressa de remanier entièrement pour établir ce qu’il cherchait à saisir : les mystères du désir féminin et la quête absolue de l’amour. Il en résulte une œuvre d’une infinie délicatesse, baignée de la lumière d’une femme maîtresse de sa sensualité et à l’écoute de ses passions, incarnée par la sublime actrice Leonor Silveira, qui trône sur le film comme une déesse mélancolique au-dessus des hommes, échouant à combler son idéal.
Le narrateur introduit Ema par sa ressemblance physique avec sa mère qu’elle perdit à l’âge de six ans. On dit très tôt d’Ema que sa beauté relevait d’une forme de génie. Elle vécut son adolescence recluse dans une grande propriété surplombant le fleuve, aux côtés d’un père strict et d’une tante dévote qu’elle se plaisait à contrarier par des propos impies et la démonstration de ses charmes. À la mort de son chaperon, Ema se trouva vite mariée à Carlos Païva, un médecin déjà veuf qui jamais ne l’aima comme elle voulait être aimée. Elle laissa alors éclore sa vie de séductrice et ne cessa de chercher chez différents prétendants la réponse à ses désirs : Nelson, ancien séminariste amoureux d’elle depuis l’adolescence ; Pedro Luminares, aristocrate beau parleur ; Fernando Osorio, riche propriétaire terrien ; ou encore le jeune Fortunato, modeste employé d’une propriété viticole. Assoiffée d’absolu, Ema ne cessera d’opposer aux hommes, en actes et en paroles, sa conception de l’amour et sa vision poétique du monde.
Derrière des abords classiques, Val Abraham fourmille de procédés d’une étonnante liberté. L’Ema de Oliveira ne place aucun espoir dans le réalisme : elle sait n’éprouver de désir qu’en imagination. Elle est un spectre, une pure lumière, cinématographique au plus haut point, splendeur inatteignable se reflétant dans le regard des hommes mais que nul ne parvient à capter. C’est pourquoi Val Abraham est d’une pudeur intégrale. La moindre étreinte en est bannie car sa sensualité est strictement mentale : tout n’y est que poésie, rêve et illusion. En témoigne la stupéfiante idée de faire physiquement vieillir tous les personnages au cours du film à l’exception d’Ema, que le temps n’effleurera plus dès l’instant où elle devient soudainement femme, le jour des funérailles de sa tante…
La mise en scène d’Oliveira excelle à construire des images mentales, analogies ou interférences, pour évoquer le désir et la sexualité dont le film est empli. Le plaisir des mots, singulièrement exalté par la mélodie de la langue portugaise, explore tous les rapports entre l’image et le texte, entre ce qui se voit et ce qui se dit, l’implicite et l’explicite. Autant de richesses au service de la fascination pour une femme, moderne s’il en est, qui a « la capacité très rare d’illuminer le désir et de le faire courir comme un feu follet sur les cadavres de la virilité mythique et obstinée ». À mesure que la narration progresse, le film semble lui-même s’envelopper autour de son sujet et se consumer de désir pour son personnage et son actrice, figures de pureté auxquelles Manoel de Oliveira ne répond que par une mystique de la beauté, un absolu de l’art.