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Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
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Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
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Lundi 19 JUIN 2023 à 20h

PROJECTION-RENCONTRE AVEC LE CINÉASTE THOMAS BARDINET


Projection de son premier film, tourné à Bordeaux, en présence de Thomas Carillon et Louise Gerbelle, initiateurs de la plateforme PRÉLUDES, dédiée aux premiers films de tous les horizons et de toutes les époques, qui a assuré la restauration et la numérisation du film.
Achetez vos places à l’avance au cinéma, à partir du Vendredi 9 Juin.

LE CRI DE TARZAN

Écrit et réalisé par Thomas BARDINET - France 1996 1h52mn - avec Marie Vialle, Julien Haurant, Hamida Bedjaoui, Martine Erhel, Bernard Blancan...

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LE CRI DE TARZANFrédéric, le personnage principal, est un jeune Bordelais sans problèmes : service militaire bon enfant, famille bourgeoise irréprochable, petite amie parfaite. Mais voilà, il rencontre un soir Saliha, jeune Arabe volubile, petit soleil têtu qui l’a choisi dès la première seconde. Ils passent la nuit ensemble, fuguent sur une île déserte du bassin d’Arcachon. Frédéric revient finalement de sa retraite, et ne sait pas choisir entre le confort familial et la lumineuse ténacité de Saliha.
Le Cri de Tarzan s’affirme comme un objet atypique dans le jeune cinéma français. Simplement atypique, tout d’abord, par le choix du décor. À l’heure d’un parisianisme triomphant, Thomas Bardinet s’ancre dans la géographie imaginaire du Bordelais. Le Cri de Tarzan n’est pas un film d’appartement. Caserne militaire, rues bourgeoises de Bordeaux, ancienne demeure ensommeillée de Pessac, l’île aux Oiseaux, marécageuse et parsemée de cabanes à huîtres : le film saisit avec talent les contrastes, le génie du lieu, et les fait siens. Ici, pas d’interminables discussions de salon : on fête la quille entre bidasses, on va voir les Girondins jouer au stade.
Et pourtant, derrière ces loisirs sans conséquences, comme on dit, c’est bien une douce-amère éducation sentimentale, un passage à la maturité qui se jouent pour Frédéric. Bien loin des doutes existentiels standardisés, il est un personnage perplexe et complexe. Silencieux, changeant d’attitude à chaque nouvelle situation, le regard pensif ou distrait, on ne sait, il est un abîme d’indécision : le jeune provincial apprend, le temps film, mine de rien, à distinguer le compromis de la compromission. En un pari risqué mais tenu, défiant les clichés, Bardinet donne du champ à ce qui aurait pu s’en tenir à une bluette adolescente.

Le service militaire, la petite bourgeoisie bordelaise, une famille maghrégine prennent corps sans efforts appuyés, à partir de quelques détails anodins. Mais en même temps que cet art du quotidien très proche de l’acupuncture, dans les cadres rigoureux de la description sociale, Le Cri de Tarzan révèle une grande pureté esthétique. Tourné en cinémascope, il mélange de nombreux espaces où éclatent les étiquettes sociologiques et où se cristallisent des rapports de force à l’état brut. La séquence de l’île aux Oiseaux, et son duel amoureux en prise avec les éléments, en est l’emblème. Bardinet, inscrit dans un environnement déterminé et situé, n’a pas oublié les leçons du cinéma de genre : Le Cri de Tarzan se veut d’ailleurs l’adaptation « impressionniste » d’un roman de Stevenson. Là encore, cette étrange conjugaison, fondant le réel et les codes esthétiques, pouvait être difficile à soutenir et aboutir à l’éclatement, l’hétérogénéité. Il n’en est rien : le film est là, à l’image de son héros, une sorte de kaléidoscope irisé, changeant toujours, selon le point de vue, de configuration, de tonalité, de couleur. Miraculeusement vivant, pour tout dire.

C’est surtout du côté du burlesque qu’il faut peut-être chercher cette activité et cette intelligence du regard. Frédéric, dans son mutisme, a parfois les postures du clown dégingandé que Bardinet incarnait lui-même, entre Keaton et Tati, dans l’un de ses courts métrages, Caroline et ses amis. Cette dimension du film se révèle particulièrement avec les seconds rôles : la mère et son goût de l’abnégation, la très drôle impassibilité du père, le couple de citadins débarquant sur l’île ou encore l’inénarrable phrasé du colonel de la caserne.
Cette science des seconds rôles signale d’ailleurs, enfin, un respect des personnages qui prévaut sur tous les effets de signature. Dans cette direction d’acteurs à la fois souple et exigeante, tour à tour réaliste et distanciée, c’est toute une morale du cinéma qui transparaît : celle d’un véritable auteur qui ne confond pas narcissisme et maîtrise, égocentrisme et maturité.

(Hervé Aubron, Sud-Ouest du 6 mars 1996)