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LA FEMME DE TCHAÏKOVSKI

(Zhena Chaikovskogo) Écrit et réalisé par Kirill SEREBRENNIKOV - Russie 2022 2h23mn VOSTF - avec Aliona Mikhaïlova, Odin Biron, Filipp Avdeev, Ekaterina Ermishina, Natalia Pavlenkova...

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LA FEMME DE TCHAÏKOVSKIPlus qu’une simple reconstitution historique en costumes, mieux qu’un énième biopic compassé consacrant le génie du compositeur, La Femme de Tchaïkovski est un extraordinaire poème halluciné, baroque, sombre, virtuose, qui tour à tour enflamme et désarçonne, grise le spectateur d’images, d’émotion et de mise en scène, et ne se laisse abandonner qu’à regret, à bout de souffle au bout de presque deux heures et demie de folie visuelle d’une rare puissance.
Ce pourrait être une variation sur l’éternelle histoire chère à Victor Hugo d'« un ver de terre amoureux d’une étoile ». Mais si Tchaïkovski brille assurément au firmament de la musique russe de son temps, Antonina Miliukova n’est cependant pas, au commencement du moins, du genre à ramper devant l’objet de son adoration. Jeune femme de tête et de bonne famille, elle est plutôt du genre volontaire, persévérante et obstinée sinon têtue. Convaincue avant même de l’avoir vécue de la passion qu’elle pense éprouver pour le compositeur, elle s’y donne tout entière comme elle entrerait en religion orthodoxe – avec méthode et fermeté, jusqu’aux frontières de l’érotomanie. Contre vents, marées, conseils amicaux et avisés, contre toute raison, alors que l’homme est notoirement homosexuel – il ne s’en cache du reste pas –, Antonina force les portes, l’amour et le destin. Et, contre la promesse d’une dot qui sauverait le musicien, toujours en recherche de prébendes pour assurer son train de vie, elle parvient à devenir officiellement et pour l’état civil Madame Tchaïkovski. Mais l’union tourne rapidement au cauchemar et plus le mari la fuit, la rejette, protégé par sa famille, par ses amis et ses amants, plus la malheureuse s’acharne à être reconnue comme son épouse légitime et tente de lui imposer une vie de famille qui lui fait horreur.



S’il est un « grand compositeur russe aimé partout dans le monde et dont l’œuvre rassemble les gens de tous les pays, affirmant la grande force créatrice de l’art ainsi que les liens inséparables entre l’art russe et la culture mondiale »*, c’est à coup sûr Piotr Ilitch Tchaïkovski. Opéras, concertos, symphonies, ballets, son œuvre est considérable. Le pouvoir russe a cependant toujours eu des pudeurs de gazelle, au moment de le célébrer, pour évoquer la vie privée du grand homme. Que ce soit de son vivant, du temps de l’URSS ou plus près de nous sous la férule de Vladimir Poutine, il n’était, il n’est toujours pas question de valider la « fable » entretenue par l’occident dépravé, la « théorie sans fondements » de l’homosexualité de Tchaïkovski, tout simplement « un monsieur solitaire qui n’a pas réussi à trouver la bonne personne »**. Initialement prévu pour être montré en 2015 dans le cadre des festivités célébrant le 175e anniversaire de la naissance du compositeur, on comprend aisément que le projet de Kirill Serebrennikov n’ait pas exactement suscité l’enthousiasme des dirigeants de la Sainte Russie – une loi vient d’y être promulguée, punissant sévèrement la « propagande » des « relations sexuelles non traditionnelles [et] le déni des valeurs familiales ». C’est donc Yuri Arabov, scénariste pour Alexandre Sokourov, qui se charge de réaliser un biopic tout ce qu’il y a de conforme aux directives du Kremlin et à l’Histoire officielle, jamais exporté, instantanément tombé dans l’oubli. De son côté, le paria Serebrennikov aura mis à profit sa longue assignation à résidence à Moscou pour peaufiner son scénario, le faire radicalement dériver vers la figure aussi effrayante que bouleversante d’Antonina Miliukova, et livrer, presque dix ans après sa première ébauche, un film sublime, tourmenté, à la mise en scène fiévreuse et éblouissante, qui se double, du fait de l’histoire de sa gestation et de la part du réalisateur russe vivant désormais en exil, d’une puissante charge politique.

* Vladimir Poutine, allocution pour l’ouverture en 2015 du Concours Tchaïkovski
** Vladimir Medinsky, Ministre de la culture russe en 2013