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LES ANNÉES SUPER 8

Réalisé par David ERNAUX-BRIOT - documentaire France 2022 1h01mn - Écrit et dit par Annie ERNAUX.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LES ANNÉES SUPER 8Au départ il y a des images filmées avec une caméra Super 8, comme nombre de familles de la classe bourgeoise en ont accumulé : des films de Noël, de voyages, de vacances estivales, de chahuts enfantins. Ces petites séquences muettes, tournées pour la plupart par Philippe Ernaux, l’ex-mari de l’écrivaine, entre 1972 et 1981, se trouvent ici montées, et commentées par la voix de l’écrivaine. C’est donc un objet hybride, un film de cinéma dont l’intérêt tient à son rapport à une œuvre littéraire.
D’abord on y retrouve les motifs et les sujets qu’Annie Ernaux excelle à écrire : la classe sociale d’abord, quand elle explique que la caméra super 8 était pour son mari et elle, dans les années soixante-dix, un signe de leur appartenance nouvelle à la bourgeoisie. Elle remarque d’ailleurs qu’il filmait beaucoup leur intérieur : un guéridon, une lampe, un fauteuil. On y voit sa mère à elle, personnage principal de son livre La Place, on lit dans sa posture, sa blouse d’intérieur, la différence sociale qu’Annie Ernaux documente. On y suit surtout, comme dans Les Années, et à ce même rythme effréné de l’écriture, la fin des trente Glorieuses du point de vue de ce qu’on appelle aujourd’hui une transfuge de classe, qui a soudain accès à la culture, à la consommation de masse, aux voyages – le couple Ernaux va au Chili, en URSS dans des voyages organisés. On retrouve à l’écoute de la voix off cette immense clarté dans la description, quelque chose d’une simplicité miraculeuse dans la transmission d’un air du temps, d’une pensée commune, de caractères de classe.

Et puis il y a ce que les images font à son écriture : c’est ça qui est nouveau et intéressant dans le film. Il semble que l’image amplifie ce qu’il y a de distance à l’intérieur même du style Ernaux, qui, en même temps qu’il décrit le souvenir avec de l’empathie, parfois de la tendresse, est aussi un formidable outil critique et autocritique. Elle décrit par exemple leur voyage familial au Maroc, où ils croyaient « dépayser les enfants », alors qu’on les voit dans un club de vacances sautant dans des piscines, entourés de touristes blonds comme eux…
On voit beaucoup Annie Ernaux à l’écran, souvent mal à l’aise, le sourire timide. On ne peut s’empêcher, quand on a lu Les Années ou La Femme gelée, d’y lire les signes de ce qui vient, le divorce, l’émancipation, en partie par l’écriture. L’écriture existe d’ailleurs dans le film, elle est un hors-champ permanent, évoqué dans la voix off à plusieurs reprises. Le projet par exemple, encore secret, d’un « roman violent et rouge » évoqué alors qu’à l’écran des enfants en pyjama déballent des cadeaux lors du Noël 1972. Ou encore ces images d’un festival Wagner à Annecy, où Annie Ernaux en robe chic serre maladroitement les mains de notables, alors qu’un manuscrit attend « dans le tiroir », comme une bombe à retardement.
C’est un document doux-amer, qui fait grincer les images du bonheur familial intimement, puisque c’est aussi un objet qui chronique le détachement, la séparation. Les Années super 8 est un film singulièrement émouvant, et cette émotion se loge bel et bien dans l’espace complexe qui se creuse entre le texte et l’image, bien au-delà de la simple nostalgie d’une soirée diapo.

(Lucile Commeaux, France Culture)