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Écrit et réalisé par Mohamed KORDOFANI - Soudan 2023 2h VOSTF - avec Siran Riak, Ger Duany, Eiman Yousif, Nazar Goma...
(ATTENTION ! Cette page est une archive !)
« Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire », tout particulièrement quand de très graves conflits opposent les individus à l’échelle d’un pays tout entier. Et pourtant, c’est souvent à travers l’échange, aussi effrayant et douloureux soit-il, et avec la manifestation de la vérité que les destinées se libèrent. C’est sur ce terrain de pensée et au cœur du Soudan convulsé des années 2005-2010, confronté au choix de la partition, que se déploie Goodbye Julia, le très bon premier long métrage de Mohamed Korfani (le premier film soudanais à être présenté en sélection officielle au Festival de Cannes, section Un certain regard). Un film qui réussit à tenir le parfait équilibre entre un arrière-plan politique et culturel très présent et documenté et une intrigue à la fois palpitante et très intime plongeant dans le quotidien d’un couple musulman de Khartoum employant et hébergeant une « Sudiste » et son jeune fils qui ne sont pas arrivés là du tout par hasard, mais à la suite d’événements malheureux et de secrets coupables.
Akram et Mona vivent dans une belle maison qui constitue un refuge paisible mais au dehors l’atmosphère est extrêmement tendue et dangereuse en cette année 2005 où la mort accidentelle de John Garang, le leader du Sud, provoque des émeutes dans les rues de la capitale soudanaise. Des coups de feu éclatent, des vitres volent en éclat et Akram s’arme. Une montée de fièvre qui expulse de leur logement la Sudiste Julia, son époux pas vraiment fiable et leur fils Daniel, qui se retrouvent dans un campement de fortune où le destin va frapper : au volant de sa voiture, dans un moment d’affolement, Mona renverse le petit garçon. Paniquée, elle s’enfuit, pourchassée en moto par le mari de Julia. Alerté mais ignorant les circonstances exactes de l’incident hormis « un sudiste me poursuit », Akram tire et tue…
Étouffé par la police, ce meurtre ronge Mona de culpabilité alors que Julia cherche désespérément son époux disparu. Pour se racheter, Mona retrouve Julia et l’engage comme aide-ménagère, lui offrant même un toit pour elle et Daniel, sans rien leur dire évidemment de sa réelle motivation. Elle cache aussi la vérité à Akram. Mais tous ces secrets pourront-ils tenir alors que les deux femmes se rapprochent et deviennent amies au fil du temps et que le vote pour la partition du pays se profile en 2010 ? Et ces secrets ne cachent-ils pas d’autres secrets, des secrets de femmes ?
À travers les relations se nouant dans cette « famille » réunie par les circonstances sous un même toit et sur un excellent scénario construit comme on épluche un oignon ou comme se joue une partie d’échecs, Mohamed Korfani photographie, radiographie et décrypte à merveille toutes les nuances de la problématique soudanaise aigue de l’époque. Méconnaissance totale des uns et des autres, racisme institutionnalisé : comment renouer le dialogue ? Peut-on se libérer des fantômes du passé, y compris au niveau le plus privé, là où les femmes notamment ont beaucoup en commun ? Autant de questions existentielles auxquelles Goodbye Julia tente d’apporter des réponses à la loupe de son duo de femmes splendidement interprétées et magnifiées par le talentueux directeur de la photographie Pierre du Villiers. Un ensemble de très grande qualité qui marque la naissance d’un cinéaste très prometteur.
(F. Lemercier, cineuropa.org)