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30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
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Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

MON PIRE ENNEMI

Écrit et réalisé par Mehran TAMADON - France / Suisse 2023 1h32mn - avec dans son propre rôle (ou pas) l’immense comédienne Zar Amir Ebrahimi...

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

MON PIRE ENNEMIMehran Tamadon, cinéaste iranien singulier, autoproclamé athée à tendance marxiste et installé en France depuis 1984, s’est efforcé non seulement de tourner coûte que coûte dans son pays natal, mais aussi de tenter, à travers ses films, de trouver des points de dialogue avec ceux qui incarnaient les pires aspects du régime islamique installé en 1979, à cause duquel il a fui son pays. C’est ainsi qu’en 2009, il s’est immergé dans le monde inquiétant des Bassidji, les gardiens de la révolution, martyrs auparavant de la terrible guerre Iran/Irak et qui, à l’époque du tournage, étaient les garants armés des lois islamiques réglant le quotidien des Iraniens, et tout particulièrement celui des Iraniennes, dont le port du voile et la moralité étaient impitoyablement surveillés. Il en dressait un portrait beaucoup moins caricatural que tous les éditorialistes occidentaux, sur un principe immuable qui est que pour combattre un ennemi idéologique, il vaut mieux le comprendre que simplement le mépriser. Quelques années plus tard, avec Iranien, il invitait des mollahs de haut rang, porteurs de la morale islamique, à se retrouver dans une villa louée pour l’occasion, pour une veillée de discussion philosophique et politique. Un exercice périlleux où chacun repartit globalement sur ses positions mais non sans avoir été ébranlé à plusieurs reprises dans ses certitudes.

En 2022, les conditions ont changé : soulèvement de la jeunesse, durcissement du régime, l’heure n’est plus au dialogue mais aux interrogatoires musclés pour les opposants supposés. Pour Mehran Tamadon, ça signifie l’impossibilité de tourner en Iran. Il décide donc de créer une nouvelle fois un dispositif tout à fait original. Dans une demeure abandonnée de la périphérie parisienne, il propose à des anciens détenus des geôles iraniennes désormais en exil, ou simplement à des victimes d’interrogatoires musclés, de jouer les bourreaux alors que de son côté, il incarnera un cinéaste d’opposition soumis à la question. Les bourreaux d’un jour ont carte blanche et peuvent improviser, au-delà de quelques directives du cinéaste. Mais les premiers qui se prêtent au jeu, exclusivement des hommes, sont rapidement bloqués par leur propre conscience, incapables d’aller au bout de la cruauté de l’exercice…
C’est alors qu’intervient Zar Amir Ebrahimi, grande actrice de son état (Prix d’interprétation au Festival de Cannes 2022 pour Les Nuits de Mashdad). La jeune femme a elle-même subi des interrogatoires pendant un mois dans un régime de semi-liberté, expérience évidemment marquante. Et voilà qu’elle se prête totalement au jeu, poussant psychologiquement et physiquement le réalisateur / détenu dans ses propres retranchements, l’obligeant entre autres à se déshabiller, puis à sortir en caleçon dans les rues de Montreuil en direction de l’école de sa fille… Elle le soumet donc à des épreuves très inconfortables mais lui fait dans le même temps prendre conscience dans le même temps de la vanité de sa démarche de cinéaste exilé face à la souffrance des femmes iraniennes ! Le spectateur lui-même ne sait plus où il en est, se demandant jusqu’où elle ira, (on ne vous le dira pas évidemment) et si s’exprime à l’écran le personnage de bourreau qu’est sensée jouer la comédienne ou la femme bien réelle brisée par l’expérience qu’elle a vécue. Qui souffre réellement ? Le réalisateur dépassé par sa création mais qui accouche d’un grand film documentaire ou celle qui découvre au fond d’elle-même et de son traumatisme une cruauté insoupçonnée ? Mon pire ennemi est, à l’instar des grandes réussites de Werner Herzog, maître revendiqué de Tamadon, un film perturbant et inoubliable, un abyme moral et philosophique qui vous remue des heures après que la lumière se soit rallumée, un de ces films qu’on peut considérer comme importants, voire indispensables.