Soutenez Utopia Palmer LA GAZETTE
(à télécharger au format PDF)

NOUS TROUVER
(et où trouver la gazette)

NOS TARIFS :
TARIF NORMAL : 8€
CARNET D'ABONNEMENT : 55€ (10 places, non nominatives, non limitées dans le temps, et valables dans tous les Utopia)
Séance sur fond gris : 5€
Moins de 18 ans : 5€

RSS Cinéma
RSS Scolaires
RSS Blog

(Quid des flux RSS ?)

EN DIRECT D'U-BLOG

Le blog des profondeurs...
(de champ)

30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
Le collectif Stop Bolloré a vu le jour en décembre 2021 et rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie. Le projet du collectif, qui est poli...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

LES POINGS DESSERRÉS

Écrit et réalisé par Kira KOVALENKO - Russie 2021 1h37mn VOSTF - avec Milana Agouzarova, Lik Karaev, Soslan Khougaev, Khetag Bibilov... GRAND PRIX UN CERTAIN REGARD, FESTIVAL DE CANNES 2021.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LES POINGS DESSERRÉSAda est une jeune femme qui ne veut pas s’enfuir : elle veut pouvoir partir. Quitter ce monde d’hommes qui l’enserre, s’affranchir de ce père, de ces frères, de ces garçons qui lui tournent sans cesse autour sans renoncer à eux, sans balayer les sentiments qu’elle éprouve. Et ce n’est pas une mince nuance, c’est une tout autre aventure. Car il ne s’agit pas tant de trouver l’échappatoire que de résoudre la tension entre son besoin irrépressible de liberté et l’amour réel qu’elle a pour les siens. Choisir serait renoncer et elle n’envisage pas cette facilité. Voilà pourquoi elle est si touchante : Ada ne tient rien à distance, elle s’engage tout entière et à chaque instant. Ce personnage – admirablement interprété par Milana Agouzarova – est la grande réussite de ce film surprenant, signé d’une réalisatrice caucasienne de 31 ans nommée Kira Kovalenko qui, comme son héroïne, n’évacue rien trop vite, malaxe les situations sans relâche, pour chercher à restituer les sentiments dans ce qu’ils ont de plus ambivalent, jusqu’au trouble parfois.

On découvre Ada à un arrêt de bus, mutique, la fermeture éclair de son sweat remontée sur le bas du visage. Elle est accompagnée de son attachant petit frère Dakko, ado énergique et naïf. Déjà une voiture s’arrête : un jeune homme implore encore une fois Ada de passer un peu de temps avec lui. Amusée et importunée à la fois, Ada ne répond pas. Elle est ici pour attendre quelqu’un, mais il ne viendra pas…
De retour au calme du foyer, son père passe sa main dans ses cheveux détachés et lui adresse cette terrible question : « pour qui t’es-tu parfumée, ma fille ? ». Il sait bien qu’il n’y a pas de perspective dans cette petite cité minière d’Ossétie du Nord, coincée entre deux montagnes abruptes. Les uns passent leur temps à faire des dérapages en rond dans un terrain vague, les autres à jeter des mortiers d’artifice sur le flan de l’immeuble qui sert de logement à la moitié de la ville. Pas vraiment la joie, si bien que la cohésion familiale imposée par ce père autoritaire apparaît rassurante à bien des égards, d’autant – on le comprendra – que cette famille est marquée par un traumatisme qui a renforcé l’union domestique. Ada, qui est la seule femme du foyer, travaille chaque jour à la supérette, passe un peu de temps à trainer avant de rentrer s’occuper de sa famille.
Celui qui pourrait bien la tirer de là et qu’elle attend à l’arrêt de bus, ce n’est pas un amant secret : c’est son grand-frère Akim qui, lui, est parti à Rostov, la grande ville. Peut-être qu’il saura dire à ce père qu’il est temps de lâcher prise, montrer à Ada comment s’y prendre et la mettre enfin sur la voie de l’émancipation.

La mise en scène énergique de Kira Kovalenko (qu’on rapproche de Kantemir Balagov, auteur de Tesnota et Une grande fille, tous deux étant élèves du grand Alexandre Sokourov), caméra à l’épaule, au plus près des corps, s’éloigne rapidement du strict genre réaliste pour développer une fascinante orchestration des contacts physiques. Toujours à l’étroit, les chairs se frôlent, se heurtent, s’étreignent. Les personnages s’imbriquent les uns dans les autres à la recherche d’un vivre ensemble, tout en s’en extirpant par un élan vital. Des corps eux-mêmes otages d’une ville désolée, oubliée de tous, où les tensions identitaires et politiques du passé sont encore palpables. Film sec et sans artifices, Les Poings desserrés est le portrait complexe d’une jeune femme en lutte avec les siens, coincée jusque dans l’amour qu’elle leur porte.