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30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
Le collectif Stop Bolloré a vu le jour en décembre 2021 et rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie. Le projet du collectif, qui est poli...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

L’ÉTABLI

Mathias GOKALP - France 2023 1h57mn - avec Swann Arlaud, Mélanie Thierry, Olivier Gourmet, Denis Podalydès... Scénario de Mathias Gokalp, Nadine Lamari et Marcia Romano, d’après le livre de Robert Linhart.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

L’ÉTABLI« Quand j’avais compté mes 150 2CV et que, ma journée d’homme-chaîne terminée, je rentrais m’affaler chez moi comme une masse, je n’avais plus la force de penser grand-chose, mais au moins je donnais un contenu précis au concept de plus-value. » (L’Établi, R. Linhart)

Septembre 1968. Quelques mois après les accords de Grenelle, entérinés mais jamais dûment signés, la reprise du travail, les élections législatives anticipées, la dissolution de quelques groupuscules gauchistes et les grandes vacances ont fini de laver Paris de la « chienlit » émeutière. De nombreuses organisations politiques, sorties renforcées des « événements » du mois de mai et convaincues de la fin prochaine du capitalisme, s’efforcent de souffler sur les braises encore rougeoyantes de la ferveur révolutionnaire. Individuellement, la séquence a également laissé des traces et tout aussi nombreux sont les intellectuels, érudits, chercheurs, qui se posent des questions sur leurs engagements politiques et sociaux – et notamment sur leur incapacité à faire durablement infuser leurs idées dans le monde ouvrier. À l’instar du mouvement des prêtres-ouvriers qui connait alors un regain d’engagement, un certain nombre de militants maoïstes en tirent les conclusions qui s’imposent, se défont des oripeaux de leur classe et, de façon toutefois plus discrète que les curés, intègrent les chaînes de montage pour partager la condition de vie ouvrière. Ainsi Robert Linhart, normalien, docteur en sociologie, nommé enseignant en philosophie à l’université de Vincennes, décide de se détourner de la (prometteuse) carrière qui s’ouvre à lui et se fait embaucher comme OS, ouvrier spécialisé, sur la chaîne de fabrication des 2CV dans l’usine Citroën Porte de Choisy. Il y travaillera dix mois. L’Établi, publié en 1978, est le récit détaillé de ses mois d’apprentissage en même temps que d’infiltration. Adapté avec une intelligence lumineuse de ce livre, le film de Mathias Gokalp ausculte sans angélisme la stratégie d'« établissement ». Faisant le choix de rester en permanence au plus près de Robert (remarquable Swann Arlaud), il documente la lente déconstruction et reconstruction de l’intellectuel fermement campé sur ses valeurs politiques et idéologiques, son rapport de classe ambigu avec ses camarades de chaîne, sa remarquable ténacité devant les difficultés – l’homme prend en effet le parti, d’une singulière honnêteté, de ne rien dévoiler de son état pour ne pas fausser ses relations de travail, mais de n’en rien cacher non plus quand l’occasion se présente. En butte aux détestables méthodes d’encadrement des petits chefs racistes, qui manient comme personne l’art de la brimade et savent diviser les groupes en fonction de leurs intérêts pour mieux asseoir leur autorité, mais aussi au net désintérêt de la majorité des ouvriers pour la lutte politique, il voit une occasion de ranimer la flamme lorsque, sentant le vent tourner en sa faveur, la direction de Citroën décide de se rembourser sur le dos des ouvriers des maigres concessions accordées lors des accords de Grenelle.

Pour mettre en scène ce palpitant récit d’une ardente expérience humaine et sociale, Mathias Gokalp a adapté le livre de Robert Linhart de façon tour à tour très libre – notamment la vie privée de son personnage principal – et très littérale : la reconstitution de la chaîne de montage, des conditions de travail, des ferveurs militantes est bluffante. Densifié, le film ne se contente pas de dépeindre une époque, comme le chromo d’une épopée héroïque, mais prolonge la réflexion sur la notion de travail salarié et éclaire d’un autre jour les quelques décennies qui nous en séparent. Où il apparaît que le patronat a, mondialisation, libéralisation aidant, tiré bien mieux que les classes laborieuses les leçons de ces mois où le basculement social semblait à portée de main.