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LES OMBRES PERSANES

Mani HAGHIGHI - Iran 2023 1h47mn VOSTF - avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Esmail Poor-Reza, Farham Azizi... Scénario de Amir Reza Koohestani et Mani Haghighi.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LES OMBRES PERSANESIl pleut sur Téhéran. Une pluie battante, incessante et presque obsédante qui s’infiltre jusque dans les plafonds des appartements, ruisselle sans discontinuer dans les ruelles, trouble la vision, alourdit les esprits. Des airs de fin du monde. Pris dans un embouteillage monstre comme toutes les grandes capitales savent si bien les fabriquer, Farzaneh, monitrice d’auto-école, semble elle aussi à l’arrêt. Elle écoute d’un air distrait sa jeune élève, le regard perdu dans ce que l’on suppose être, dans ces premières minutes du film, comme une profonde mélancolie… Est-ce la fatigue liée à sa toute nouvelle grossesse qu’elle ne vit pas vraiment sereinement ? Ou cette ville oppressante qui l’étouffe ? À moins que ce ne soit quelque chose de plus diffus, comme l’écho encore lointain du trouble qui, bientôt, va surgir dans sa vie. Perdue dans ses pensées, une vision inattendue va la happer et lui faire poser son regard au-delà du pare-brise embué. Jalal, son mari, est là, à quelques mètres : il marche dans la rue puis s’engouffre dans un bus. Que fait-il ici, à cette heure, à cet endroit précis de la ville ? Où va-t-il ? Qui va-t-il rejoindre ?
Après interrogations et interrogatoire, ce que Farzaneh va découvrir dépasse l’entendement, la raison, la logique et, pour ainsi dire, les lois de la nature : il y a dans cette ville un couple identique au sien, un homme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à son mari, une femme qui est sa parfaite sœur jumelle. Mirage ? Hallucination ? Rêve éveillé ? Ou simplement un mystère, insondable. À partir de ce postulat quasi-fantastique auquel il ne nous est pas demandé de croire aveuglément mais qui s’impose à nous, spectateur, comme l’évidence même d’une promesse dramaturgique fascinante, c’est un film brillant et percutant qui va se bâtir sous nos yeux.

À travers ce jeu de miroirs et au-delà de la thématique du double, grand classique du cinéma et de la littérature, c’est bien plus que le simple destin de ces quatre protagonistes qui est ici raconté. Farzaneh et Jalal et leur doubles, Bita et Mohsen, forment les pièces d’un puzzle complexe où les trajectoires individuelles sont indissociables du champ social dans lequel elles évoluent. Ces deux couples sont chacun pris dans les filets de leur classe et agissent selon ses codes et usages. Et s’ils sont radicalement différents, de par leur extraction sociale mais aussi leurs personnalités – et jusqu’aux énergies qui se dégagent de leurs visages (incroyables performance des deux comédiens qui incarnent chacun 2 personnages) –, il s’avère qu’ils sont tous les quatre les marionnettes d’une société fondamentaliste, victimes d’un système qui ne dit au fond qu’une seule chose : il n’y a pas d’autre voie que celles définies par le pouvoir et la religion. Il ne reste alors plus beaucoup de place pour l’amour, la sensibilité et encore moins pour le libre arbitre. Cette expérience d’inquiétante étrangeté par dédoublement va renvoyer à chacun la pertinence de sa propre existence, comme si ce miroir tendu offrait, finalement, la possibilité d’accéder à une vérité jusqu’ici tue et, peut-être, à une forme de liberté.

Nous ne dirons rien de ce qui va se jouer pour chacun, dans l’intimité de son cœur ou les tourments obscurs de son âme – d’ailleurs, nous en avons déjà trop dit. Avec ses obscurités profondes éclairées soudain par des sources de lumière très brusques comme le téléviseur allumé, des néons clignotants ou des éclairs hors champ, la photo du film est à la fois réaliste et expressionniste et l’ambiance générale, entre thriller psychologique et film fantastique, est fascinante. Un film remarquable donc, à ne pas rater.