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LA RIVIÈRE

Dominique MARCHAIS - France 2023 1h44 - PRIX JEAN VIGO 2023.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LA RIVIÈRENonobstant l’urgence climatique, la pollution massive des sols et des eaux, l’effondrement de la biodiversité et sa potentielle ou probable irréversibilité, le film de Dominique Marchais demeure calme. Avec une sérénité élégiaque, il appréhende, facette après facette, les gaves, ces (belles) rivières qui coulent entre Pyrénées et Atlantique. Sous tous leurs aspects, du visible à l’invisible, du formel à l’idéologique, du paysage au politique. Mis à mal par les activités humaines de ce dernier siècle, la fragilité de leur état témoigne du désastre écologique en cours, symptôme d’un immobilisme des politiques nationales et européennes à les protéger, de l’impasse idéologique à modifier nos modes d’existence.
Pourtant, pas de catastrophisme anxiogène ni de violences accusatrices. Dans une sorte de sagesse grecque, l’heure est à l’étude. À la juste mesure. À la rencontre et au dialogue avec l’autre comme moyen d’accès à la connaissance. À la certitude que la vie de la nature n’est pas moins politique que la vie de la cité, et se fait donc l’affaire de tous.
Ainsi, les pieds dans l’eau, muni de tout un tas d’instruments, on observe, on pèse, on mesure, on analyse, on inventorie les insectes, les poissons, les trajets du saumon, le lit de la rivière, ses berges que l’on débarrasse à la pince à épiler des mini-fibres géotextiles qui s’accrochent partout.



Peu à peu, rencontre après rencontre, étude après étude, La Rivière dessine les contours précis du cycle actuel des gaves tout en parvenant à l’impossible : donner corps à ce qui a disparu, filmer ce qui n’est presque plus. Nos rivières, en miroir de la simplification des paysages terrestres, se sont appauvries de façon draconienne.
Dans un même mouvement, le film nous montre une autre couche du présent, tout aussi factuelle mais beaucoup plus réjouissante : ces femmes et ces hommes, à l’écoute desquels nous découvrons les dynamiques propres aux gaves et les enjeux de leur bonne santé, forment sous nos yeux une communauté de cœur, une communauté de pensée dont les intérêts, savoirs et conceptions du monde font résistance. Toutes ces personnes, citoyennes comme professionnelles, du Béarn ou d’ailleurs, issues de la protection environnementale ou de la recherche scientifique, étudient et réfléchissent à leur échelle, pour tenter d’enrayer le processus en cours. Nombreux sont jeunes, et c’est ce qu’ils ont manifestement choisi de faire à plein temps : plus qu’une relève, c’est une génération qui s’élève. Par ailleurs, étudiants comme professionnels aguerris mettent fin à une opposition vieille comme la naissance de la modernité : tous défendent en creux une connaissance du monde à la fois sensible et érudite. C’est parce qu’ils aiment la rivière qu’ils l’étudient, et plus ils la connaissent plus ils l’aiment, les deux sources de savoirs venant s’alimenter l’une l’autre dans un aller-retour intarissable. Car tous ces acteurs sont mus par une sensibilité commune, celle d’une attention inédite au paysage. C’est cette attention, cet intérêt qui sont au cœur du film de Dominique Marchais. Une attention au monde comme positionnement existentiel, à la fois politique et métaphysique.

Cette sensibilité, le film parvient à la mettre en scène en parfaite cohérence avec son propos grâce à une image magnifique de sobriété et de précision, décrivant des paysages simples sous des lumières simples. Grâce aussi à une gamme de sons naturalistes de l’eau dans tous ses états. À l’instar de cette séquence quasi-finale où la caméra s’approche toujours plus près du mouvement de l’eau, jusqu’à l’abstraction : si le cinéma comme la science a cette capacité de rendre visible l’invisible, il n’a pas pour autant le pouvoir d’en saisir tous les mystères. Mais là où la science bute, la poésie vient prendre le relais…
Car si l’on comprend aujourd’hui parfaitement les dynamiques et flux qui animent les rivières aussi précisément que nous lisons dans la concrétion de l’oreille interne du saumon son parcours de plusieurs milliers de kilomètres entre le Groenland et son gave natal, toutes ces grâces n’en demeurent pas moins énigmatiques. Et voir des hommes et des femmes nettoyer à la pince à épiler les berges d’une rivière relève en fin de compte d’un aussi beau mystère. C’est sans illusion qu’ils agissent, comme le professe la première phrase du film : « Tranquillement, on va pas sauver la planète aujourd’hui … ». Le geste en est d’autant plus beau.