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LES CARNETS DE SIEGFRIED

(BENEDICTION) Écrit et réalisé par Terence DAVIES - GB 2023 2h17 VOSTF - avec Jack Lowden, Simon Russel Beale, Tom Ashley, Calam Lynch, Kate Philips, Peter Capaldi...

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LES CARNETS DE SIEGFRIEDLe nouveau et ultime film de Terence Davies (malheureusement disparu en octobre 2023) propose à nouveau un biopic d’écrivain, après Emily Dickinson, a quiet passion (2016). Le cinéaste de Liverpool s’intéresse cette fois au poète gay Siegfried Sassoon, très célèbre en Grande-Bretagne pour ses poèmes sur la Première Guerre mondiale. Il confie le rôle à Jack Lowden (’71, Dunkerque), sidérant de justesse et d’émotion, et à Peter Capaldi (Doctor Who, In the Loop) pour les scènes situées vers la fin de la vie de l’écrivain. Les Carnets de Siegfried offre une synthèse parfaite de toutes les facettes du talent de Terence Davies : montage d’images d’archives rappelant Of time and the city (2008), tableaux vivants dans le style de Chez les heureux du monde (2000), précision de la reconstitution historique comme dans Sunset song (2015), fondus enchaînés incroyablement poétiques à la manière de ses chefs-d’œuvre autobiographiques Distant voices (1988) et Une longue journée qui s’achève (1992). Comme à l’accoutumée, Les Carnets de Siegfried est un film qui s’écoute autant qu’il se regarde, jusqu’à la somptueuse composition de Ralph Vaughan Williams qui accompagne le déchirant dernier plan.



Davies n’a pas son pareil pour rendre sensible les contradictions de ce poète national, soldat patriote décoré pour sa bravoure mais qui détestait la guerre et en dénonça les horreurs. Enrôlé dans l’armée, il rédige un pamphlet qui lui vaut d’être interné en hôpital psychiatrique (ses relations lui évitent la cour martiale). C’est là qu’il rencontre un autre grand poète anglais de la Première Guerre mondiale, Wilfred Owen, lui aussi homosexuel et tué sur le front en 1918. À une époque où les relations homosexuelles étaient encore punies par la loi (le souvenir du procès d’Oscar Wilde hante le film), Sassoon est en même temps un personnage important de la bonne société anglaise, dont il fréquente les salons. Il compte des célébrités parmi ses amants, comme Ivor Novello, vedette de music-hall et star de cinéma qui joua dans deux films muets d’Alfred Hitchcock. Jamais auparavant Davies – qui évoque ce thème dans ses films autobiographiques – n’avait abordé le thème de la condition gay de manière aussi franche et aussi développée.
L’élégance du style de Davies éclate à chaque séquence : perfection de la composition et des éclairages sont au service d’un propos implacable sur la guerre et ses conséquences, mais aussi sur l’hypocrisie d’une société qui broie les relations humaines même en temps de paix. Le cinéaste ne cherche pas à créer un cinéma platement biographique mais plutôt, en restant fidèle à lui-même, à produire un écrin pour les vers de Sassoon et d’Owen (on n’a pas oublié que la poésie de T.S. Eliot fournissait déjà une partie du commentaire en voix-off de Of time and the city). Il cherche surtout à atteindre la profonde vérité humaine d’un individu confronté au chaos de ses propres sentiments et de l’instabilité du monde qui l’entoure. La recherche de sens gouverne l’existence de Sassoon, qui finira par se convertir au catholicisme mais ne sera pour autant jamais en paix avec les horreurs de 14-18.

On aurait pu craindre que cette évocation d’un poète anglais et de sa vie intime dans les cercles mondains de l’entre-deux-guerres ne concerne pas beaucoup le public français. Il n’en est rien car Davies stylise la peinture réussie d’un milieu pour atteindre l’essence de son personnage : sentiment de révolte envers les monstruosités à grande échelle commises au nom d’idéaux discutables, insatisfaction dans les relations humaines. Pourtant Sassoon écrit la plus belle poésie qui soit, et le film est sublime. D’où le paradoxe d’un titre original lumineux, Benediction, pour une œuvre souvent sombre et qui pourrait paraître pessimiste. (Jean-François Baillon)