Le régime iranien fossoyeur du cinéma : Jafar Panahi en prison

Jafar PanahiJafar Panahi est un des réalisateurs les plus importants du cinéma iranien (et même du cinéma mondial). Utopia Toulouse a programmé tous ses films distribués en France : Le Ballon blanc, Caméra d'Or au Festival de Cannes 1995, Le Cercle, Lion d'Or du Festival de Venise 2000, Sang et or, Prix du Jury Un Certain Regard, Festival de Cannes 2003, et Hors-jeu, Ours d'Argent du Festival de Berlin 2006.

Jafar Panahi est un cinéaste libre, indépendant, qui a toujours refusé de se soumettre aux codes du cinéma « officiel » financé par le régime iranien. Tous ses films depuis Le Cercle, il les a tournés clandestinement. Jusqu'à la « réélection » de Mahmoud Ahmadinejad en Juin 2009, les autorités iraniennes – composées de courants différents, dont certains modérés ou réformateurs et conscients de l'aura internationale de ces cinéastes indépendants – toléraient l'activité en marge de Panahi et de plusieurs de ses collègues. Mais depuis cette élection, le régime s'est drastiquement radicalisé, voire militarisé, et tous les modérés cités plus haut ont été écartés et, pour certains, emprisonnés. Dès lors, il n'y a plus aucun espace pour une expression artistique véritable et les créateurs n'ont d'autres choix que de se soumettre, de s'exiler ou de risquer de se retrouver en prison et, presque conséquemment, soumis à la torture.

Jafar Panahi a refusé de se soumettre. Jafar Panahi a refusé de s'exiler. Il a donc vu se resserrer autour de lui l'étau de la répression : première arrestation après les grandes manifestations de Juin 2009 ; confiscation de son passeport alors qu'il était l'invité d'honneur du récent Festival de Berlin…

Le 1er Mars 2010, alors qu'il démarrait le tournage d'un nouveau film dans sa propre maison, Jafar Panahi a été arrêté, ainsi que sa famille et son équipe. Depuis, le cinéaste, son collègue Mahoud Rasoulof et leur producteur sont incarcérés à la prison d'Evin, réputée pour sa section 209, tenue par les services secrets des gardiens de la révolution, et où les prisonniers politiques sont interrogés et torturés.

Jafar Panahi partage donc le sort de milliers de prisonniers politiques actuellement détenus dans les geôles iraniennes, preuves encore vivantes de la volonté acharnée du régime de réduire au silence toutes les voix dissidentes, d'anéantir toute velléité de libre pensée. Il faut maintenant espérer une mobilisation rapide et massive de l'opinion internationale – et en premier lieu des milieux du cinéma – pour appeler à la libération de Panahi, qui représente plus que tout autre ce bastion de résistance qu'a su bâtir le cinéma indépendant iranien.