Première pierre d'Utopia Borderouge samedi 24 mars 2018 à 17h

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Cela fait dix ans qu’on en parle, mais le projet finit par aboutir. Après que, à peine élu, Jean-Luc Moudenc ait remis le projet à l’ordre du jour, archis et bureaux d’études se sont attelés au travail. Pas une mince affaire. Le ciné est à cheval sur le tunnel du métro, ce qui complique un poil la chose. Les travaux ont démarré en décembre et il faudra bien une année complète avant que vous puissiez y voir un film. Rassurez vous, le financement est bouclé, et le chantier désormais avance à un bon rythme. La Mairie de Toulouse a signé avec la SARL Ciné-Borderouge un bail de 65 ans, pour un loyer symbolique. Il y aura 3 petites salles, un bistrot et, bien entendu, une cheminée. Les travaux coûteront 3,2 millions d’euros (HT).

Le financement :

• un emprunt de 1,5 million consenti par le Crédit Coopératif et cautionné par l’IFCIC (Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles)
• 450 000 euros d’aide sélective venus du CNC (Centre National du Cinéma)
• 312 000 euros d’avance remboursable sur Fonds de soutien par le CNC encore
• 320 000 euros est la subvention votée par la Région
• 320 000 euros est la contribution du Département.
Le reste sera financé sur la Communauté d’intérêt des salles Utopia qui mutualise son Fond de soutien (entre autres) pour aider à la création de nouvelles salles.

La pose de la première pierre se fera avec les représentants de toutes ces instances-là, mais aussi les architectes concepteurs du projet, les entreprises, d’Oppidéa (on espère la présence de Rose Marie de Amorin, notre ange gardien) et ceux qui nous tiennent la main depuis le début : Francis Grass, Catherine Blanc, Françoise Roncato… et bien entendu l’équipe du cinéma Le Régent de Saint-Gaudens qui fait partie de l’aventure depuis trois ans… et tous ceux qu’on n’a pas la place de citer, mais qu’on espère. Vous pouvez nous rejoindre : ce sera le samedi 24 mars à 17h.

 

C’est une tradition qui remonte au Moyen Âge, aux bâtisseurs de cathédrales qui signaient ainsi l’union de talentueux maçons et architectes pour faire œuvre grande et belle, symbole d’un élan commun porté par une foi collective, d’un désir de créer de la beauté durable. On construisait pour un avenir qui ne disait pas ses limites et on glissait dans un tube de verre la monnaie du moment, la liste de ceux qui allaient participer à l’édification du lieu afin, que dans les siècles futurs on sache et se souvienne qu’il y eut des hommes et des femmes assez fous pour avoir cru que leur ouvrage pouvait durer au-delà d’eux-mêmes… Une première pierre, même d’un projet si modeste soit-il, ce n’est ni anodin ni neutre, ça raconte toujours un désir, un rêve, une époque, une histoire… Parce que celle d’Utopia Borderouge est indissociable de l’histoire d’Utopia, il nous a semblé inévitable qu’elle porte en elle la marque de ses origines. Cette pierre que le Maire de Toulouse posera le 4e jour du printemps a été empruntée au Palais des Papes d’Avignon où Utopia est né en 1976 et trônera désormais à l’entrée de ce nouveau lieu.

Il était une fois… une poignée de doux rêveurs qui ne doutaient de rien : fauchés comme les blés ils avaient entrepris de jeter les bases d’une alternative, contrepoint, certes minoritaire, mais pertinent autant qu’impertinent, à la domination d’un cinéma formaté par les majors américaines… À partir d’une petite salle de 100 places bricolée avec trois francs six sous, au rez de chaussée de l’Institut américain d’Avignon, par la grâce d’un gros bonhomme à casquette qui le dirigeait et qui s’était laissé séduire par ces jeunots délirants qui proposaient des films américains qui ne sortaient même pas dans les salles des USA. Il y eut un soir, il y eut un matin… nos jeunots étaient toujours aussi fauchés, mais un local se libérant à deux pas de là, ils entreprirent de faire un appel au peuple des spectateurs pour les aider à propager la bonne parole cinématographique… c’est alors qu’ils rencontrèrent Francesco…

Il était une fois, bien avant encore, au début du siècle dernier… Un maçon italien partait de ses Abruzzes natales, embarquant sa famille vers les Amériques où pensait-il, le travail serait plus abondant, la vie moins dure… Il n’atteignit jamais sa destination car l’âne qui portait ses pauvres richesses poussa son dernier souffle en arrivant à Avignon. Trop fauché pour aller plus loin, et parce qu’il y avait déjà là d’autres Italiens des Abruzzes, la petite famille y prit racine et le maçon fit ce qu’il savait faire : pierreux de talent, il prospéra et son fiston prit naturellement la suite. Nourri des rêves du père, il fréquentait assidûment le premier Utopia sorti de rien et où les films ouvraient mille fenêtres sur le vaste monde… alors, le jour où il apprit que la petite bande d’utopistes rêvait de créer un deuxième lieu, il proposa son savoir faire. La suite, vous pouvez la lire dans le petit bouquin* écrit par Michael Bourgatte qui raconte l’histoire d’Utopia Avignon de sa naissance en 1976 à 1994, alors qu’ouvraient les premiers multiplexes, où Utopia Toulouse commençait sa vie…

 

La suite, vous la connaissez et Utopia est devenu ce que vous en voyez maintenant. Le maçon, ses frères et ses cousins ont continué à cheminer avec Utopia, contribuant à son épanouissement avec d’autres, car jamais au grand jamais, sans le soutien fort et concret de toute une palanquée d’Utopistes, en vérité, je vous le dis… jamais Utopia n’en serait où il en est. Et il n’est pas anodin que le rejeton de cette lignée de tailleurs de pierre, biberonné au bon lait d’un cinéma nourri de toutes les cultures de la terre, vienne poser ses valises à Borderouge, prenant ainsi le relais d’une histoire qui ne cesse de se nourrir de rencontres et de désirs multiples.

Alors, dans ce chemin de verre qu’on va glisser dans la pierre piquée au Palais des Papes et que le Maire de Toulouse va poser ce troisième jour du printemps… on va déposer : un euro, la liste des entreprises, le nom du maire du moment puisqu’il est celui qui a permis que le projet soit réactivé, le nom de ceux qui, Région, Département, Crédit Coopératif, Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles… contribuent à son financement… et cette gazette qui raconte que rien ne se fait seul, ni même à deux, ni même à trois, mais que cette histoire, qui n’a jamais été un long fleuve tranquille, ne peut se raconter sans rappeler qu’elle est le résultat des efforts de beaucoup et de belles rencontres… À suivre…

* Michaël Bourgatte, Le Cinema Utopia à Avignon (1976-1994), une histoire de militantisme culturel et politique (Editions Warm – Bulletin de souscription disponible au cinéma).