Eyal Sivan : « Utopia, se réveiller »

Lettre d'Eyal Sivan, Paris 14 Juin 2010.

Cela fait des années que les salles du réseau Utopia accueillent à la fois les films et les débats autour d'importants sujets de société dont la France d'en-haut n'aime pas discuter. Les salles Utopia font le lien entre un cinéma indépendant, les réseaux associatifs locaux et les spectateurs. Mais parmi tous les débats, c'est le conflit israélo-palestinien qui soulève le plus de passions.

Qu'on soit pour ou contre la décision prise par le réseau Utopia de se désengager de la sortie nationale du film israélien A 5 heures de Paris de Leonid Prudovsky en décalant sa sortie de quelques semaines, pour programmer un autre film réalisé par une cinéaste israélienne Rachel, de Simone Bitton, le réseau Utopia doit être salué pour avoir utilisé sa liberté d'action et d'expression.

Salué pour avoir désenclavé le débat complexe à propos du boycott académique et culturel du régime israélien et l'avoir transformé en un mode d'action qui mérite d'être discuté. L'appel au BDS (Boycott Désinvestissement Sanction) a été émis par des sociétés civiles palestiniennes et relayé par des centaines d'associations à travers le monde, y compris par des organisations et personnalités israéliennes. L'amalgame entre l'appel au boycott (dont les règles sont précises et n'impliquent pas des individus, mais des organisations) avec l'acte de solidarité d'Utopia a permis, malgré la campagne de désinformation, de désenclaver un débat ouvert depuis un long moment déjà, partout en France, y compris dans les salles Utopia, mais qui était boycotté par les médias et donc ignoré du grand public.

En agissant ainsi, Utopia a répondu à un appel pressant de relayer la critique, l'opposition et la contestation exprimées dans le cinéma palestinien et dans certains films israéliens, et de les transformer en une action citoyenne. Il s'agit de changer les relations entre les films, les diffuseurs / programmateurs et les spectateurs du cinéma en provenance d'Israël-Palestine. Car, grand consommateur de cinéma israélien, et parfois palestinien, le public français (et européen) n'est pas que l'otage de la machine de soutien à la distribution cinématographique du gouvernement israélien. Le public français et européen est aussi avide de comprendre, et avide d'espoir.

A la question incessante posée par le public lors de débats dans les quelques salles qui accueillent les films boycottés par les grand circuits : « Que peuvent faire des citoyens lorsque le gouvernement français et les hommes et femmes politiques n'ont pas seulement démissionné d'un quelconque rôle dans le conflit israélo-palestinien, mais qu'ils se sont alignés, en solidarité, parfois obscène (comme ce fut le cas au lendemain de l'attaque Israélienne sur Gaza), derrière la politique criminelle des autorités israéliennes ? » L'équipe de Utopia a répondu par un acte citoyen et professionnel.

Car le métier d'un programmateur consiste aussi à contextualiser les films. Utopia a donc décidé de décaler la programmation d'une comédie sentimentale israélienne (sans que sa qualité cinématographique soit remise en question), pour programmer un film qui prouve malheureusement à la fois la qualité prémonitoire du documentaire, et son actualité. Rachel, le film de Simone Bitton, raconte l'histoire d'une militante pacifiste de 24 ans participant à un mouvement international de solidarité qui fut écrasée par un bulldozer de l'armée israélienne alors qu'elle protestait contre la démolition des maisons de Palestiniens dans la Bande de Gaza. « Rachel Corrie », c'est aussi le nom d'un des bateaux de la flotille qui a tenté de rejoindre Gaza, sans succès.

C'est parce que les programmateurs d'Utopia regardent et connaissent les films qu'ils programment, parce qu'ils connaissent si bien le cinéma israélien et palestinien, qu'ils ont pu agir immédiatement et marquer ainsi leur colère et leur protestation. Alors qu'à nouveau les autorités israéliennes employaient brutalité et censure des images, Utopia a décidé de programmer Rachel, exprimant sa solidarité avec la Flotille Free Gaza, s'opposant à la version officielle israélienne, et refusant que ce crime d'Etat ne soit aussitôt oublié parmi la dramatique actualité des faits divers.

En privilégiant une forme de cinéma à une autre, un discours face à un autre, un petit film indépendant que 99% des salles françaises n'ont pas programmé à un film qui bénéficie d'une sortie nationale dans 50 salles, Utopia a agi en programmateur professionnel, libre et (certes) engagé.

Depuis des années, Utopia sert de réseau de distribution aux films israéliens comme palestiniens refusés par les grands circuits de distribution français. Aujourd'hui, Utopia montre que la protestation à l'égard de la politique israélienne et le rappel permanent au respect du droit international peuvent se faire à tous les échelons de notre société. Mais il faut oser rendre le débat public.

En effet, c'est la question des relations entre le cinéma israélien et le pouvoir israélien qui a été soulevée. Il n'est pas surprenant que ce soit le boycott académique et culturel qui soulève les débats les plus vifs. Ce n'est pas seulement à cause de sa complexité, mais surtout à cause de l'utilisation des produits culturels israéliens par l'appareil de propagande et de markéting d'Israël (ce n'est pas le propos ici, mais il faudra par ailleurs prendre le temps d'étudier le phénomène du succès du cinéma israélien, ainsi que la relation entre son contenu et la promotion étatique dont il bénéficie).

Limor Livnat, ministre de la culture israélienne, ne cesse de le répéter : « Le cinéma israélien prouve à chaque fois que la culture est la meilleure ambassadrice de l'Etat ». En effet, alors que le cinéma israélien (et particulièrement le cinéma documentaire) ne bénéficie d'aucun soutien pour sa diffusion/distribution en Israël, il est largement soutenu et financé par les services culturels des ambassades israéliennes. Pour exemple, s'ouvrira le 21 juin à Marseille un Festival de films israéliens soutenu par le consulat d'Israël. Ce type de manifestations officielles se déroule parfois à l'insu des auteurs, qui ont déjà appelé plusieurs fois à ne pas être instrumentalisés par le gouvernement israélien, quelquefois avec des pressions commerciales des distributeurs sur les réalisateurs, comme ce fut le cas cet hiver au Forum des Images à Paris lors de la rétrospective Tel-Aviv, et souvent par le refus des auteurs eux-mêmes d'exprimer un quelconque engagement politique.

Les détracteurs diront que la promotion par les autorités israéliennes d'un cinéma qui peut être considéré comme critique est un signe de santé démocratique. Nous savons tous qu'aucun Etat démocratique en guerre ne promeut ses opposants, et quand il le fait ça s'appelle de la propagande. La promotion de certains films dits « critiques » est un intérêt d'Etat, ce qui explique que même le ministre des affaires étrangères actuel, le leader d'extrême-droite Avigor Liebermann, n'a pas donné l'ordre aux services consulaires de cesser le soutien à la distribution à l'étranger de certains films, considérés à l'étranger comme « critiques ». Il s'agit naturellement de maintenir l'illusion démocratique, alors que le régime d'apartheid dans les territoires occupés par Israël prive plus de trois millions de personnes d'accès à la culture et à l'éducation, et cela depuis plusieurs dizaines d'années.

Le cinéma israélien a été clairement désigné par les autorités israéliennes comme un produit d'exportation dans lequel il vaut la peine d'investir, même si les spectateurs et cinéastes israéliens n'en profitent pas. A l'ouverture du Festival International du Film à Haïfa en 2007, le président israélien Shimon Peres a rappelé que « le cinéma américain a créé l'image de la grande Amérique dans le monde, car ce cinéma a plus d'influence que l'armée ou l'administration américaines. Les films nous permettent de rêver d'être plus beaux, plus intelligents et meilleurs. Et si le rêve américain a été créé par Hollywood, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, rêver ? » Peres appelle à une augmentation des investissements, considérant le cinéma comme un moyen d'endormissement des masses.

J'espère qu'Utopia incitera beaucoup d'autres à réveiller les Israéliens du rêve illusoire dans lequel ils se sont enfermés, avant que la réalité ne devienne un cauchemar pour nous tous.


Merci Encore,

Eyal Sivan, Cineaste Israelien, Associate Professor in Media Production, University of East London (UEL)

Commentaires

1. Le vendredi, juin 18 2010, 17:07 par le cinéphile

En 2007 Eyal Sivan avait demandé une subvention publique en Israël pour réaliser un film. Il avait alors dit qu'il était contre tout boycott du cinéma israélien. Voici ce qu’il déclarait au quotidien Yediot Aharonot : «Je ne me suis jamais associé à des appels au boycott. Au contraire, je critique ces appels. Le boycott est, à mes yeux, une absurdité.» Il a bien changé depuis : il fustige ceux de ses confrères qui ont obtenu ces mêmes subventions qu'il espérait recevoir. Tous les pays démocratiques promeuvent leur cinéma à l'étranger, fût-il majoritairement critique à l'égard de ses dirigeants, ce qui est le cas du cinéma israélien.

2. Le vendredi, juin 18 2010, 17:53 par Un Enragé-D'Ici-Bas, Cinéphile aussi mais viscéralement propalestinien, pro justice, anti-sioniste

israël, un etat démocratique ! HI HI Hi HI HI Hi HI HI HiHI HI HiHI HI HiHI HI Hi !!!!!!!

C'est pas sérieux ce que tu racontes, le cinéphile. Un Etat construit par le vol de la patrie et des terres palestiniennes, par le néthoyage éthnique comme méthode démocratique, par la brutalitté militaire, policière et par les lois dicriminatoires racistes (inombrables)envers les arabes, les vrais ,propriétaires de la terre, par la colonisation, comme méthode démocratique, par la guerre tout azimuts, etc . C'est vrai y a pas plus ndémocratique !!!!!

3. Le mardi, juin 22 2010, 11:43 par Bakoback

@Enragé-D'Ici-Bas

« Un Etat construit par le vol de la patrie et des terres palestiniennes »
Tu te trompes, tu n’y connais rien, tu es ignare et limité ! Reprends tes livres d’histoire et remplie bien cette tête toute vide ! Tu ridiculises et c’est lamentable !

« par le néthoyage éthnique comme méthode démocratique, par la brutalitté militaire, policière et par les lois dicriminatoires racistes (inombrables)envers les arabes, les vrais ,propriétaires de la terre, par la colonisation, comme méthode démocratique, par la guerre tout azimuts, etc . C'est vrai y a pas plus ndémocratique »
On atteint le fond ! Non j’ai trouvé tu n’es pas inculte…Tu es débiles, tu inventes…et plus grave tu insinues dans la tête des pauvre gens faibles des ignominies !
C’est scandaleux ! Intolérable !

Alors écoute bien mes paroles :
Israël est une démocratie..D’ailleurs la seule de la région ! Israël est le pays par excellence des droits de l’homme…comme il en existe peu !
Israël est une réalité…Israël existe et pour longtemps…
Personne sur cette terre je dis bien personne ne pourra effacer ça !

Et comme punition, tu devras chaque matin te réveiller avec ça…

Comme je te plains…mais vraiment profondément et sincèrement !

4. Le vendredi, juin 25 2010, 02:15 par AM ISRAEL HAI

enragé D'ici-Bas,tu porte bien ton nom comme tes petits copains du Hamas,hesbolah ect.Ca vous enrage de voir un pays comme Israel prospere,DEMOCRATIQUE,puissant,vous aimeriez en faire autant mais chez vous ce n'est pas possible.Continuez a etre enrages,ca nous fait rire de vous voir .ISRAEL EXISTE ET POUR TRES TRES LONGTEMPS

5. Le dimanche, juin 27 2010, 16:55 par Hu Man

La dernière guerre menée par l’armée israélienne à la population de Gaza a laissé derrière elle sans doute près de 1 500 morts et des milliers de blessés, et dévasté ce territoire. La population, déjà soumise depuis des années à un blocus draconien, est maintenant en grande partie réduite à vivre dans des ruines, dépendant de l’aide humanitaire que les dirigeants israéliens ne laissent passer qu’au compte-gouttes.

Assimiler toute opposition au sionisme à de l’antisémitisme est une double escroquerie. C’en est une vis-à-vis du peuple palestinien auquel elle nie le droit à un État national. Mais c’est aussi une escroquerie à l’égard des Juifs, car la politique sioniste n’est pas la seule possible ! Les soixante ans d’existence de l’État d’Israël montrent que cette politique n’assure le droit des Juifs à une existence nationale qu’au prix d’un état de guerre permanent contre les autres peuples de la région, au prix de la spoliation du peuple palestinien et au prix d’un régime militaro-policier pesant pour tous.

Enfin, il eût été démocratique qu’Israël reprenne dans sa Constitution l’égalité juridique des hommes devant les lois de l’État, quelles que fussent leur origine ou leur religion ! Mais cela ne s’est pas fait. Non seulement parce que les dirigeants sionistes d'Israël, pour complaire aux rabbins, n’ont jamais adopté de Constitution, mais aussi parce qu’une telle reconnaissance aurait donné des droits juridiques égaux aux Arabes d’Israël.