Une histoire de dingues…

On se pince pour le croire, pour se persuader qu’on est bien réveillé, qu’on n’a pas bêtement cauchemardé. Parce que, si on regarde alentour, que ce soit en couverture ou dans les pages intérieures de nos journaux préférés, au long des flashs info des radios publiques ou privées : rien, nib, nada, que dalle sur champ d’azur, il ne s’est rien passé - « circulez, y’a rien à voir » ! Un coup, si on n’avait pas la tête solidement plantée sur les épaules, à se précipiter sur le tas de fumier, aussi nauséabond que fertile, sur lequel s’épanouissent les fleurs vénéneuses, vert-de-gris et bleu-marine, du plus pur conspirationnisme…
Il y aurait de quoi ! Mais non, on n’a pas rêvé – et oui, c’est une histoire de fous… une histoire qui s’est répétée à plusieurs reprises (et deux fois en 48h) et qui laisse perplexe : étaient-ils seulement mal informés, voire un poil incompétents ou est-ce délibérément, pour des raisons moins avouables, que les « Rambo-warriors » du Raid ont déboulé en pleine nuit chez un militant pacifiste, pareil que s’il s’était agi du pire terroriste sanguinaire de la place ?

Sur les coups de trois heures du matin, une vingtaine de types armés jusqu’aux dents, cassent la porte de l’immeuble ou Pierre habite, puis celle de son appartement, le brutalisent, le menottent à une chaise, fouillent son appartement à la recherche d’armes… Pierre finit par comprendre qu’un abruti (probablement notoire), se faisant passer pour lui, a appelé les flics pour leur dire qu’il venait de tuer sa femme et les attendait fusil à la main… Sarah, sa femme, a beau être là et n’avoir pas l’air du tout d’être un cadavre, les hommes du Raid ont beau ne pas avoir trouvé le moindre pistolet à bouchon, ni arc, ni flèches… ils passent la main à la police locale qui embarque sans ménagement notre malheureux Pierre, qu’ils garderont une dizaine d’heures en garde à vue et finiront par le relâcher, sans explications, sans excuses, sans même lui offrir un café allongé…
Bien évidemment, ça ne devrait rien avoir à voir avec le fait que Pierre – de son patronyme complet Pierre Stambul – est une figure honorablement connue à Marseille et plus largement en France, co-président de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) – et à ce titre forcément sur les tablettes de la Police Nationale. Rien à voir non plus avec le fait que Pierre devait le soir même intervenir à Toulouse dans un débat sur la campagne BDS de boycott des produits israéliens en provenance des territoires occupés de Palestine. Mais 24 heures plus tard, rebelote : c’est chez l’ancien député du Val-de-Marne Jean-Claude Lefort, ex-président de l’association France-Palestine Solidarité, heureusement absent de chez lui, que les cow-boys débarquaient.

Précisons que depuis plusieurs jours ça s’agitait ferme sur internet, à propos de la soirée prévue à Toulouse : des associations juives, pas du tout pour la paix celles-là, annonçant un déferlement de militants venus de toute la France, prêts à en découdre pour empêcher que s’exprime ce point de vue qui contrarie très fort le gouvernement israélien. Car cette histoire de boycott leur chauffe les oreilles… Dernière affaire en date, celle du PDG d’Orange annonçant qu’il pouvait envisager de cesser de travailler avec Partner au prétexte de son enracinement dans les colonies israéliennes (déclaration suivie d’un vigoureux rétropédalage consécutif à un non moins sérieux soufflage de bronches de son premier actionnaire, l’État français).
Et pourtant ils sont de fait de plus en plus nombreux ceux qui, dans le monde entier, rejoignent la campagne de Boycott, à l’instar de ce qui s’était passé en Afrique du Sud au moment de l’Apartheid : artistes annulant des concerts, cinéastes refusant de participer à un festival, boycott universitaire, entreprises refusant de commercer, consommateurs refusant de consommer… et ce malgré les pressions et les répressions diverses… certains menant de véritables campagnes de dénigrement voire de menaces contre tous ceux qui soutiennent un tant soit peu le mouvement…

Si vous voulez en savoir plus : www.ujfp.org et www.bdsfrance.org