Ils sont fous ces roumains...

On ne les a pas tous eus, on ne les a pas tous vus, mais le moins qu'on puisse dire c'est que les quelques films Roumains qui sont passés sous nos yeux récemment nous ont fait une forte impression...

Ambition, originalité, créativité, et la perpétuelle petite touche de folie en plus, font que le cinéma Roumain est à mon avis un des plus intéressant en ce moment, au même titre que le cinéma Coréen (du Sud, forcément) ou le jeune cinéma Argentin (dont une rétrospective est prévue pendant les 21èmes Rencontres du cinéma d'Amérique Latine de Toulouse). Pour preuve, sa présence incessante dans les nombreux festivals, et notamment au Festival de Cannes où la Roumanie rafle régulièrement de nombreux prix...

Il y eut d'abord la claque "La mort de Dante Lazarescu" en 2005, chronique épurée et assez terrifiante de la dernière nuit d'un vieillard seul et malade, baladé d'hôpital en hôpital, de refus en refus, jusqu'à l'inévitable...

Puis il y eut "Comment j'ai fêté la fin du monde" et "12h08 à l'est de Bucarest" en 2006, suivi de "4 mois, 3 semaines, 2 jours" en 2007, tous 3 revenus de Cannes un prix dans les poches, dont une belle Palme d'Or.

L'année 2008 vit ensuite arriver sur nos écrans l'impressionnant "California dreamin" (dont nous avons déjà parlé ici) que Pascale Ferran, présidente du jury Un Certain Regard au Festival de Cannes 2007, jugea à juste titre comme "la proposition de cinéma la plus puissante, la plus vivante, la plus libre" de la compétition... Et en effet, le film de Cristian Nemescu, d'une ambition démesurée mais maîtrisée, du haut de ses 2h35 et malgré son montage inachevé, se présente comme une sorte de renouveau d'un cinéma qui ose tout avec une liberté étonnante et une sincérité qui ne peut que nous toucher...

La question qu'on se pose forcément est donc... et la suite alors ?

Et bien la suite, la voici, et autant vous dire que pour ma part je suis loin d'être déçu...

Il y a d'abord "Au diable Staline, vive les mariés !" à l'affiche en ce moment à Utopia Tournefeuille, et dont Utopia Toulouse prendra la suite, qui est pour moi le digne successeur de "California Dreamin" dont je viens de vous faire l'éloge... On y retrouve la même ambition, la même liberté, la même folie. On y passe du rire au larmes, puis des larmes au rire. On y voit des couleurs, de la lumière, des sourires, puis tout n'est qu'obscurité et désolation... Bref, on est complètement embarqués, fascinés, dans cette histoire qui nous raconte autant la chronique joyeuse et fantasque d'un village délirant en plein préparatifs du mariage des jeunes Iancu et Mara, que la terrible malédiction qui tombe peu à peu sur un village aujourd'hui désert et hanté...
D'ailleurs attention, le film est principalement présenté comme une comédie, et c'est vrai qu'on y rigole beaucoup, mais il y règne également une profonde mélancolie et une grande tristesse... Le film aurait pu s'appeler "Les noces silencieuses", qui est son titre original et qui n'a été préféré par "Au diable Staline..." qu'au dernier moment, et qui représente bien mieux selon moi cette ambivalence qui jalonne le film de bout en bout, joie et tristesse enchevêtrées...

Un peu après ce "Au diable Staline..." arrivera dans nos salles d'Utopia Toulouse dés le 11 Mars un autre film Roumain, qui pourrait presque être considéré comme l'antithèse du précédent, et qui s'intitule sobrement "Picnic"...
Avant toute chose, je me dois de vous donner un conseil qui me paraît important : ne lisez rien sur le film, que ce soit le texte publié sur notre site et sur la Gazette Utopia, ou les critiques qui vont commencer à paraître ici et là... Le déroulement de ce "Picnic" tient à peu de choses et doit se laisser dévoiler à son rythme, à la surprise et aux réactions de ses personnages...
Le film d'Adrian Sitaru, présenté au festival Premiers Plans d'Angers cette année, suit donc les pérégrinations d'un couple en route pour un pique-nique dominical qui ne se passera pas vraiment comme prévu... Filmé caméra à l'épaule, épousant assez souvent la vision subjective de ses personnages dans une mise en scène minimaliste, le film se présente comme une radiographie d'un couple dont on sent dès les premières images qu'il traverse une période de creux, et que les évènements extérieurs vont obliger à faire des choix, et prendre des décisions...

Voici donc encore deux preuves filmiques que le cinéma Roumain continue son bonhomme de chemin, sincère et plein de vitalité, bousculant les genres et les conventions... Vivement la suite !